juillet
2008
Parler de Qi Gong en français
Aux ateliers de La MAIN FRANCHE, le QiGong est en français.
Energie, souffle, dynamisme,…aucun mot français ne rend pleinement compte de la vitalité du Qi chinois. C’est que le Qi est changeant, par nature, comme le temps, comme l’air ou l’humeur.
L’analyse des caractères ouvre sur la bio-logique, le dynamisme de la vie «entre ciel et terre» où la proximité du soleil mobilise des masses d’air et d’eau qui s’échangent en souffles et vents, vapeurs et pluies pour animer la terre.[Wieger, leçon étymologique 98]. L’homme est concerné, sa culture, sa cuisine et son souffle participent du Qi. Le Qi est qualifié par le changement et le changement se décrit en yin/yang. Tout est Qi, de la matérialité à la subtilité, le Qi n’a pas de forme particulière, il se prête à toutes les formes et toutes les applications. Il est en intimité avec la vie et signe la vitalité et la vivacité.
Le Qi Gong ou la culture du Qi
Tout un projet. Cultiver la vitalité, prendre soin de ce qui nous rend vivant et travailler à l’émergence de sa personnalité. Le Dao invite au naturel. Il ne s’agit pas de faire à l’image de la nature et d’en copier les productions mais d’entrer dans le fonctionnement des choses et des êtres. Ainsi l’exercice des animaux – ours, tigre, grue, tortue ou dragon invite à se sentir et à bouger «comme si on était tigre». En capter le dynamisme, mobiliser l’observation, l’imagination, la sensibilité et le corps ; se mettre en résonance pour enclencher un processus d’assimilation. Faire corps avec la vie, partir du corps et mettre la conscience dans cette pleine adhésion. C’est un art, un art de vivre !
Comment passer de la confusion initiale du nouveau-né à la fusion harmonieuse de l’humain accompli ?
Par un double mouvement d’écart et de retour. L’écart dans un processus de distinction et de conscience de soi et le retour par un processus spirituel d’intégration au monde. Accéder à l’individualité en mode personnel et à la participation en mode collectif. Assumer la nécessité pour trouver un peu de liberté et aborder alors au bonheur simple d’être ici et là à la fois, en soi et avec le monde, pour soi, dans et par le monde. Le Qi Gong pourrait être l’art de sentir, de se sentir et, partant, de mieux sentir et ressentir les choses. Se sentir, en voilà une question! Comment faire? L’odorat, le toucher? Je suis tellement proche de moi, immédiatement là qu’il me manque la distance pour l’analyse objective. Je suis confondu avec mon monde.
Outre le « je me sens bien ou mal » référé à l’aise ou au malaise, nous reste nos sens.
La sensorialité pour éveiller la sensibilité, la sensation et la sensualité.
Mon image et mes formes, mes bruits et mes mots, mon odeur et mon goût m’informent mais il s’agit d’aller plus en profondeur car les sens s’arrêtent souvent à la superficialité. Il faut changer de point de vue et partir de l’intérieur. Cela s’appelle l’écoute intérieure, le retournement des sens, la méditation.
A l’intérieur, ça bouge, ça respire et circule ; il y a du mouvement, il y a de l’espace. La sensibilité à soi-même est incluse dans nos possibilités génétiques. Elle se développe avec la croissance et permet, dans les limites du milieu culturel, une identification progressive mais, nous n’avons pas pour autant conscience de ce fonctionnement.
Une fois informés de sa possibilité, ce sens interne s’éveille, s’éduque et s’affine en … fonctionnant et en s’écoutant fonctionner c’est-à-dire en laissant le temps d’infuser, de résonner, de ressentir.
En référence à nos repères internes, nous interprétons le monde en projetant sur lui nos compréhensions intimes. Nous nous projetons à l’extérieur; la matière première de notre rapport au monde c’est nous-mêmes. Ce que nous percevons du monde reste toujours marqué par ce que nous percevons de nous-mêmes, depuis l’origine. Nous créons et croyons le monde. Notre connivence avec la vie nous vient de là, l’intuition du monde en dépend.
Le quotidien sanctionne l’adéquation de notre interprétation et, si nous acceptons la remise en question, nous tendons vers l’objectivité. Mais, l’expérience est biaisée par la culture dans laquelle notre esprit a éclos. Pour continuer la maturation, Il nous faut encore prendre nos distances pour sortir du cadre normatif dans lequel nous avons été pensés avant que de penser. Restaurer l’écart pour sortir des préjugés, du prêt-à-porter et à se comporter. Se régénérer à la source invite à retrouver le non- prévenu et l’inattendu dans ce que l’on connait déjà. La curiosité invite à l’aventure, il y a de l’étrange dans le presque rien et seule l’inexpérience ouvre à l’expérience. L’esprit peut alors entrer en conversation personnelle avec le monde et les autres sur le mode créatif. L’invention de soi ne part pas de rien, elle fait l’inventaire, trie, découvre, rejette et conserve pour associer de manière inédite.
Le Qi Gong n’est pas un produit fini, une suite d’exercices, une recette de bonne santé mais une incitation à savourer et à partager la formule unique de notre présence au monde.