28
février
2009
Dans le champ étendu des valeurs liées au Tai Chi Chuan, on envisage volontiers la culture de l’énergie dans la perspective du développement personnel:
Ca commence avec soi
La pratique invite en effet à un mouvement global de retour sur soi. On part du corps et c’est par le corps et dans le corps que débute le chantier. L’approche privilégie une attention intériorisée pour ressentir ce qui encombre et fait obstacle à un accord plus serein avec soi-même.
C’est un processus : La conscience posturale permet l’abandon progressif des tensions parasites et, en retour, la détente autorise un alignement et un redressement qui dégage le port de tête et leste le bassin. Une posture redressée et détendue ouvre la sensibilité, elle donne confiance en soi et résonne tout de suite sur la manière dont on appréhende l’espace alentour. Bien posé, on devient la référence – l’espace s’organise, on s’oriente et découvre la libre circulation. la mobilité et la fluidité des gestes réveillent un rapport dansant à la vie.
L’individu s’affirme dans la douceur et la détermination.
Mais ça avance avec l’autre
C’est ici, quand l’individu s’émancipe et rencontre les autres que prend sens la culture de soi. L’aspect solipsiste de la démarche se dépasse dans la relation. L’autonomie est le prélude à la rencontre. Cette clarification permet l’identification et la différenciation. Contrairement aux apparences, la forme solo pré-arrangée n’invite pas à la conformité, Pas à la normalisation mais à la distinction.Pour aller vers la vie, la société et le monde, la Taichichuan étend ses principes à la relation. La détente et la confiance posturale sont la condition pour se mettre à l’écoute de l’autre. S’ouvrir, accroître sa capacité à accueillir pour savourer et partager ce qu’il y a de bon dans la relation mais aussi augmenter sa capacité à en éviter les aspects néfastes, nuisibles ou toxiques.
Comment concilier l’ouverture et le choix de recevoir ou de ne pas recevoir.
La couleur martiale du Taichichuan propose diverses attitudes :
- La terre – Quand l’agression est supportable, on neutralise le toxique en se connectant à l’intrus et, comme une prise de terre, on conduit à la terre les influences néfastes qui s’y neutralisent.
- L’eau et l’air – Plus avant, Il s’agira de ne pas donner d’appui à l’agression en n’offrant pas de résistance ou en l’attirant dans le vide pour qu’elle s’annule dans l’inefficacité ou la chute.
- Le feu de l’esprit – retourne à l’envoyeur ses propres énergies en en recyclant le flux. Plus l’agression est sévère, plus elle frappera l’agresseur.
Ainsi, la pratique intériorisée qui peut paraître nombrilique n’invite pas, à mon sens , à un retrait du monde. Il y a une mise à distance du monde, du mondain et de l’agitation mais nul retrait.
Mais encore avec la société
Prendre soin de soi, à l’intime et dans la relation à autrui constitue une précaution capitale pour entrer dans la danse. Savoir prendre, savoir recevoir mais encore donner. Si l’individu est le niveau initial et fondamental de la relation, il conserve la puissance de la socialisation. Dans les turbulences chaotiques de l’existence, chacun porte la possibilité de se faire noyau autour duquel s’organise le vivre ensemble. Ni le repli dans sa bulle, ni l’investissement sans distance mais un choix en accord avec ce que l’on sait et aime faire.
La culture Taichi est autant dans l’ouverture aux sciences et technologies, aux arts et aux lettres que dans la pratique méditative. Abandonner les tensions inutiles c’est aussi s’alléger des croyances qui asservissent ou justifient, des pouvoirs hiérarchiques installés et de tout ce qui ce qui empêche la jouissance d’une présence active au monde que l’on désire.
Les Ateliers de la Main Franche suivent ce fil conducteur, discret et exigeant à travers toutes les pratiques proposées comme autant d’occasions d’activer cette philosophie “taichi”.
Jean-Luc
Publié par Jean-Luc dans Réflexions personnelles
Mot(s) clé(s): assise, corps, Posture, tai chi chuan
Réactions:
19
février
2009
Avec le désir de partager une approche plus fondamentale du Taichichuan avec les pratiquants Jiseido, nous avons invité Epi van de Pol, professeur hollandais investi depuis plus de 20 ans dans la recherche en Taichichuan. Epi propose aujourd’hui une approche réaliste fondée sur l’alignement postural et la détente.
Pratique, elle concilie l’exercice quotidien, l’approche des formes et la rencontre du partenaire en « poussées des mains » Tui shou comme en « boxe de l’ombre » san shou. Epi s’inspire de l’enseignement de feu le maître Wang shen shiang – formulé aujourd’hui par des pratiquants comme Patrick Kelly ou Wee Kee jin et de l’enseignement synthétique de Peter Ralston. L’atelier proposait 4h de QiGong pour clarifier les fondements de la pratique – l’alignement postural et la détente profonde:
- 4h de tui shou pour la vérification de ces principes dans la pratique des poussées
- 4h de san shou pour en étendre la validité dans le tension créée par l’idée de frappe.
Voici un aperçu des principes fondamentaux …
L’essentiel est dans la confiance en soi, stabilité, réceptivité et mobilité développée par une posture redressée, centrée, alignée et détendue. C’est alors seulement que l’esprit peut proposer un mouvement descendant dans le sens de l’attraction terrestre, que l’énergie peut ouvrir les passages pour que le corps, finalement puisse se fondre dans cette proposition. L’esprit donne le sens et la détente crée la place où le corps peut se glisser. Ce cycle éducatif est la base : l’esprit d’abord, l’énergie ensuite et le corps enfin.
Dans la détente, tout commence à la terre. La vague de détente/ouverture remonte par les chevilles, les genoux et les hanches pour remonter la colonne vertébrale.
L’esprit propose la descente à la terre, la vague ouvre le chemin en remontant à partir de la terre et le corps s’enfonce au fur et à mesure de la détente. Quand l’esprit suscite une flèche ascendante, c’est encore la détente qui ouvre les passages en remontant vers le sommet pour que le corps remonte en suivant l’invitation de la pensée.
L’exercice fondamental sera donc l’activation de ces cycles ascendants et descendants que l’on pourra empiler en 2, 3,4,…couches afin de distiller de plus en plus finement cette qualité onctueuse.
L’important est de trouver l’image pertinente pour que la pensée puisse initier le mouvement. Comme un pendule tenu immobile se met en mouvement par la pensée, l’intention crée le mouvement.
Il ne faut pas hésiter à convoquer les couleurs des émotions pour favoriser la mobilisation de l’énergie. Entrer en contact avec une main était chaude ou glacée n’entraine pas la même réponse, de même donner un accueil chaleureux ou glacial, timide ou cordial,…
La détente n’est pas abandon et avachissement mais capacité à distiller sa propre relaxation.
Au sein de la posture, le point de chute se situe entre les pieds, à l’intérieur de l’appui pour ne pas créer un courant trop lisible dans un pied qui inévitablement se durcirait en compression. Si on veut offrir le vide, la non résistance à la force adverse, il faut chercher le vide en soi et c’est entre les pieds, dans l’indistinction de l’appui que se cache le vide.
La sensation se vivra en volume, en s’assurant que paroi antérieur et paroi postérieur se vident également sans provoquer de protrusion vers l’avant ou l’arrière. Tout déséquilibre fait perdre la liberté de pensée et asservit le corps par des tensions compensatrices.
L’image du sablier pourrait inspirer cette fonte grain par grain. Comme la mobilisation en tension est un processus spontané et irrépressible qui accompagne l’idée ou l’intention, la détente sera elle aussi un processus continu, régulier, toujours réenclenché. La détente comme principe de vie, comme choix existentiel. Essayer d’être de moins en moins soumis à la ré-action et de plus en plus libre dans l’action. Ce processus d’automatisation passe par un exercice régulier avec des repères tangibles qui permettent de sentir ce à quoi on s’entraine. La détente est comme une boussole qui permet de garder le cap de l’entrainement, le corps et l’esprit sont intimement mêlés dans l’énergie.
Jean-Luc
Février 2009
Publié par Jean-Luc dans Actualité de l'école
Mot(s) clé(s): chi, chuan, percussion, poussée, san shou, tai, tui shou, vide
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