25
janvier
2010

La posture dans le Tai Chi Chuan

La construction posturale est un temps fondamental de l’apprentissage et la pratique du TaiJiQuan. Chercher la posture juste est, avant tout, une pratique qui nous met en place et nous fait tenir debout. Pratique exigeante pour réunir chez un même individu alignement corporel et détente, force et douceur, redressement et relâchement, stabilité et disponibilité.

C’est un investissement précieux pour aborder le quotidien du corps, du geste et du mouvement. La persévérance et nécessaire mais la performance est souvent toxique. Plus on cherche dans le registre naturel, sans perdre l’exigeance des repères, plus on s’approche d’une validité tout terrain. Avec le temps, la conscience posturale devient un état d’esprit, une posture existentielle. Le corps est le lieu où j’habite et d’où je parle, garant de mon autonomie. On gagne en simplicité et en authenticité en veillant à ne pas se départir de la référence à l’expérience personnelle.

Dans la pratique des formes solo qui constituent la partie la plus populaire de la discipline, il me semble par contre erroné de s’attacher à des postures, comme si la chorégraphie était une suite de photos étiquetées « postures » : La grue blanche, le serpent qui rampe, les 7 étoiles,…pièges de la traduction et de la réception des premiers temps qui ont tendance à se figer et à être répétés à l’envi sans remise en question, le mot remplaçant le concept. Sans doute? On dit de la forme que gestes et mouvements coulent comme les eaux du fleuve, que les 8 « techniques » ne sont que transformations d’énergie qui, en effet est qualifiée par les incessantes mutations yin/yang. Dès lors, il n’y a pas  » d’arrêts sur image » et la chorégraphie vit de sa fluidité et de sa continuité. On n’arrête pas l’écoulement du fleuve, on y voit une puissance profonde canalisée. Elle s’accumule, fait des vagues et des tourbillons pour contourner ou  submerger l’obstacle mais elle ne s’arrête pas. Néanmoins, il n’y a pas deux fleuves pareils ni deux instants identiques dans le même flux. La vitalité du solo vient de l’interprétation de l’acteur, pas de la répétition scolaire de postures bien cadrées. L’esprit peut y lire des instants, capter des moments y sentir des poses mais il se régale de la puissance continue et contenue dans l’euphorie de geste bien conduit.

Dans l’exercice tui shou en duo (poussée des mains selon la piètre traduction en usage) où les mouvements et les variations sont constants, il importe que les fondements posturaux soient bien établis tant la circulation de l’énergie dépend de l’intégration posturale. Les repères formels qui font la posture – écart des pieds, avancée du genou, retrait de la hanche, ouverture des épaules, dégagement du port de tête,… – sont utiles pour éveiller la sensation de l’énergie et sa mobilisation mais, dans la joute plus libre, ils perdent souvent leur rigueur formelle. Ils se transforment mais ne perdent pas leur cohérence énergétique. Il n’est pas bon d’être « en mauvaise posture ».

La posture, on y revient incessamment pour améliorer l’efficacité sans effort, l’élégance du geste. C’est dans le QI Gong où l’on cultive la sensibilité à l’énergie et à sa mobilisation que l’exercice trouve son plein rendement. Dans l’apparente immobilité posturale où l’on  » tient la pose » se joue l’activation des tensions contrastées, des forces concurrentes qui aiguisent le senti et le ressenti. Là où l’on ne voit rien, où rien ne semble se passer, le courant passe, effectivement.

Se poser, se déposer, se transposer et, pourquoi pas se reposer, la posture bien comprise conjugue les effets de la pratique TaiJiQuan.

Jean-Luc Perot (Janvier 2010)

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