7
juin
2010

Le Tai Chi Chuan, un art martial ?

Le Tai Chi Chuan aujourd’hui est-il un art martial ?

Il est bien malaisé de répondre catégoriquement à la question. Certains choisissent clairement d’abandonner l’idée martiale et pratiquent une gymnastique de santé ou une danse où se cultive l’énergie selon la perspective d’une tradition chinoise dite taoïste. La difficulté vient de ceux qui optent pour l’art martial mais ne peuvent en définir les contours et les implications.

Essayons d’éclairer le propos…

Si Mars est bien lié à l’art de la guerre

on ne peut que sourire de la lenteur, de la douceur et de l’imagination de ceux qui jamais ne se vérifient dans l’affrontement. Aller au combat invite à se forger un corps et un mental capable de tenir le choc. Il faut se renforcer. Savoir clairement ce que l’on veut et être prêt à s’exercer assidument. Qui dit force dit muscles et ossature, sang et souffle, coordination neuro-motrice et entraînement. Mais, là où le sport invite à se construire dans la performance – plus lourd, plus vite, plus loin – le Tai Chi Chuan valorise l’exercice interne.

Exercice interne, Qi Gong, qu’est-ce-à-dire ?

Le concept d’énergie ( Qi) ne sépare pas le souffle du sang et de la globalité du corps mais la culture de l’énergie (Qi Gong)  y ajoute la pensée c’est à dire, la représentation imagée de ce que l’on veut faire et l’écoute c’est à dire, l’éveil d’une sensibilité consciente pour sentir et ressentir. Ici, la résistance est imaginée en même temps que le mouvement et, plus elle est importante, plus l’effort est conséquent!

La formule est intelligente. Pas de matériel, pas de tenue, pas de lieu spécialisé. Une détermination tranquille et une concentration souriante pour « allumer » les circuits sensori-moteurs qui portent le geste intégré. Une ligne à haute tension qui court de l’appui au sol à la main qui agit, de la profondeur de l’os jusqu’à la peau  en passant par tous les rouages mécaniques et  énergétiques où  la force prend appui.

Toujours, on soigne la détente en relâchant l’excès de tension, toujours on cherche l’allongement en éloignant les insertions et toujours on intègre l’action locale à la globalité de la posture. Peu d’effort musclé et beaucoup d’effet. On sollicite non seulement la suite musculaire qui fait l’action mais aussi celle qui s’oppose à l’action et on joue de l’alternance et de la coïncidence ( la dynamique Yin/Yang) des actions contrastées ( tirer/pousser, étirer/concentrer, lever/abaisser,…). Peu de déchets métaboliques et pas de fatigue profonde avec, au contraire, une transpiration salutaire et une sensation tonifiante.

Si la lenteur est nécessaire pour construire la robustesse et faire le geste plein, l’expression peut être explosive, libérant dès le départ une grande énergie sur une courte distance.

La pratique martiale de Tai Chi Chuan , au sens plein du terme, associant lenteur et vitesse est peu répandue. Elle se construit sur les différents 3 registres usuels de l’entraînement :

  1. Les QiGong statiques et dynamiques; une ou des formes condensant le répertoire gestuel
  2. L’exercice en duo/duel, de « la poussée des mains » tui shou au san shou, forme libre de combat associant les percussions, balayages, prises et projections. Dans cette orientation, il ne suffit donc pas de pratiquer la poussée des mains en douceur ou en force, de faire des applications d’auto-défense pour justifier les séquences formelles ou de développer des forces inusitées par le Qi Gong pour se qualifier de martial.
  3. Seule l’expérience du combat libre inculque cette science du combat. Le respect de soi et le respect de l’autre font partie de l’enjeu. Il s’agit de ne pas se blesser.        Aller plus loin dans le réalisme de l’affrontement relève moins de l’art que de la guerre ou l’autre n’est qu’un obstacle à éliminer.

Si Mars est une référence symbolique

invitant à conserver l’acuité de l’art martial dans la formation de soi, il n’y a pas lieu de sourire devant la douceur d’une philosophie qui dépasse l’affrontement par la non résistance et invite chacun à ne pas se faire l’adversaire.

En effet, il en faut au moins deux qui s’opposent pour nourrir la brutalité du combat;  le Taichichuan invite à ne pas être celui qui servira d’appui à la force adverse.

La grande force se cache dans la douceur et l’aisance. Il faut être solide pour s’ouvrir à la vulnérabilité, pour accepter et accueillir l’agression sans en souffrir laissant l’attaque s’annuler dans le vide de la non résistance.

Ainsi, la vulnérabilité se cultive dans l’éducation martiale car il ne s’agit pas de se soumettre par débilité, paresse ou lâcheté mais de choisir  la liberté. Ni agressif ni craintif, à l’image de l’eau qui emplit les creux, contourne les obstacles, dissout ou ravine, se vaporise avec la chaleur et durcit avec le froid le pratiquant cultive la transformation et l’adaptation.

Joindre la force et la fluidité, la légèreté et la pression, la malléabilité et le surgissement, le calme et la créativité, tel est l’esprit Taichi où le plaisir est la lanterne qui éclaire le chemin.

Jean-Luc

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