octobre
2010
A propos du Qi Gong et de l’énergie
Le paysage TaiJiQuan se construit sur la référence au Qi et à la dynamique yin/yang. Tout comme il est insatisfaisant de chercher à traduire en français le nom TaiJiQuan , il est tout aussi illusoire de trouver une traduction satisfaisante au terme Qi Gong. Mais, en fin de compte, peu importe, il est plus utile de préciser ce que l’on entend et propose sous cette appellation d’origine chinoise. Partant de la traduction usuelle de Culture de l’énergie , je propose de situer la pratique dans une perspective éducative. Reprenons pas à pas.
L’énergie
J’ai longtemps hésité à rendre “Qi” par énergie. Le terme me paraissait galvaudé, je cherchais des périphrases autour du souffle, de la force, de la vibration…pour finalement conserver le mot “Qi” auquel chacun entendait ce qu’il voulait.
Je pense que cela était dû davantage à ma méconnaissance du concept d’énergie et, malgré ambigüité de ce terme mis à toutes les sauces, énergie, aujourd’hui me convient. On ne peut la définir mais on la perçoit dans les variations d’un système lorsqu’il s’y produit des changements. Le Qi, de même, est sans forme. On ne peut l’isoler au creux de la main mais il participe à toutes les formes et mises en forme de la matière/énergie à partir de la dynamique yin/yang.
On connaît des formes d’énergie – mécanique – chimique – électrique – lumineuse – atomique. Ces formes mutent les unes dans les autres et produisent des effets, un travail.
Sans énergie, pas de travail. Acceptant la conversion langagière et les points de vue différents entre l’antiquité et la compréhension actuelle, il me semble que l’on peut s’entendre.
Sans énergie, pas de vie. L’humain fonctionne comme une machine solaire. La matière/énergie et l’information sont ses aliments. Il consomme de l’énergie, la transforme, se transforme et produit des oeuvres et des déchets.
L’énergie, on en manque ou en déborde, son flux conditionne notre forme, notre dynamisme et nos projets. elle fait aller nos vies !
Ainsi le Qi se dira aussi bien de l’humeur, du souffle, de la forme, de la vitalité et de la créativité.
La culture
Le mot “culture“ m’évoque d’abord le jardinage.
La culture de fruits et légumes savoureux propres à nous nourrir et nous réjouir. On y voit la préparation du sol, le travail de la terre pour transformer la motte compacte en un humus tendre. On suit la croissance de la graine à la plante, des racines aux feuilles et l’on pressent le soin nécessaire pour conjuguer soleil et vent, terre et eau pour passer de la fleur au fruit à travers les cycles saisonniers.
Prendre soin de sa terre, de ses racines et de ses fruits, la métaphore joue à plein dans un large registre des exercices de QiGong.
J’y vois ensuite la culture de soi.
Une démarche hédoniste orientée vers le bien-vivre. C’est un exercice perpétuellement ajusté pour accroitre sa sensibilité au bien-être. Le corps sera l’occasion d’une conscience palpable de la tension et de la détente, de l’aise et du malaise.
Dans le corps, en effet, se lit le rapport à la vie, à soi et aux autres. Une sensibilité affinée permet de sentir, de ressentir et de choisir ce qui soutient notre énergie et partant, de refuser ce qui nous gâche la vie ou, en attendant mieux, de gérer ce qui nous gêne. Multiplier les occasions de jouir invite à éduquer sa capacité à recevoir mais aussi à exprimer – S’ouvrir les sens pour imaginer, lire, écrire et parler… chanter, danser et puis rire ou pleurer.
S’ouvrir pour recevoir et donner, échanger pour changer voilà un deuxième registre où sensibilité, sensations et sentiments résonnent avec sensualité.
J’y vois aussi la culture au sens intellectuel.
Apprendre permet de comprendre. Comprendre pour intégrer et intégrer pour rayonner. Chacun se croit volontiers assez bien informé et s’en va, répétant ce qu’il a lu ou entendu. Apprendre invite à chercher l’information à la source en se méfiant des perroquets et des marchands. Sciences et la philosophie nous allègent des croyances normatives.
Apprendre invite aussi à se faire confiance pour que nos expériences deviennent sources de transformations et d’un changement d’attitude.
L’institution nous a façonné dans son modèle de fonctionnement. La société nous forme pour que l’on se conforme.
Cultiver la relation à l’autre et communiquer à partir d’une présence ajustée permet de remettre en question notre aliénation.
L’expérience QiGong propose un écart précieux pour prendre distance d’avec notre mode de fonctionnement automatique.
Voilà l’occasion de concilier un retour à l’essentiel avec une lecture actuelle du monde et cela nous oblige à repenser notre place et notre rôle dans la société. Ainsi entendu, le QiGong prend ses références dans un répertoire antique d’ exercices de postures, de respirations et de mouvements mais ne les sépare pas d’une conscience élargie.
La culture de l’énergie nous invite à identifier ce qui fait vivre plus heureusement et à s’éduquer pour plus de cohérence et de plaisir.
“être en amitié avec soi-même” l’invitation romaine antique reste à l’honneur et, dans cette perspective, jouer du corps est un pas décisif dans l’estime de soi.