21
octobre
2020

Les 4 temps du corps

  • En cette triste période où les contacts sont prohibés, je reprends un ancien article pour situer l’exercice « énergétique » qui permet de s’entraîner seul et avec partenaire sans entrer en contact.
  • Les quatre temps du corps Taichi

Le corps, ton corps est le lieu de la présence à l’exercice. Il condense l’ensemble des forces actuelles et potentielles et des ressources physiques et psychiques.

La pratique s’organise donc autour de la construction et de l’animation du corps Taichi.

Dans la globalité de la pratique je repère 4 temps de l’exercice et de la mise en œuvre de soi.

1. Le temps mécanique

C’est le temps de l’approche anatomique. Elle aborde la construction de la posture en terme de charpente osseuse, d’articulations et de liens tendineux et musculaires.

La posture, manière dont nous nous posons là, nous fait accepter  l’attraction terrestre. Elle nous donne du poids mais a tendance à nous enrouler alors que la stature, manière dont on se tient active les forces de redressement qui nous font tenir debout. 

On exerce la prise de terre, l’alignement, on cherche l’abandon des tensions excessives et de toutes les crispations qui brident la détente et l’aisance.

On y parle de  polarisation entre ciel et terre, d’axe vertical et de centres moteur, on organise l’espace en plans et directions  et on se réfèrera au principe des leviers pour chercher le mouvement le plus économique et le plus efficace.

L’élément TERRE est emblématique de ce temps inaugural.

La Terre planète et la pesanteur, le sol et la prise d’appui.

L’exercice solo passe par l’apprentissage formel : posture, appuis, pieds et pas, mouvements et directions de la chorégraphie.

Le Qigong est dans ses fondations corporelles – étirements, assouplissements et tonification se retrouvent sous l’appellation DaoYin.

On retrouvera les exercices de base du style YangJia Michuan et les exercices des animaux.

L’exercice Duo/duel présente l’autre comme un obstacle, une force qui résiste ou s’oppose. On vérifiera l’enracinement, la détente, la capacité à recevoir et à donner une force à travers les exercices éducatifs.

2. Le temps Organique – Tout baigne !

Le tout prend le pas sur les parties. 

Toutes les parties du corps, toutes les pièces et les rouages, tous les éléments de cet ensemble complexe entrent dans un fonctionnement intégré. 

Les détails anatomiques s’estompent au profit du fonctionnement global. 

Motricité, respiration et circulation inscrivent dans l’ensemble du corps des centres et des lignes de force.

L’intérieur devient le milieu où s’organisent ces forces, on y sent des circulations, des courants, des membranes, des parois et des enveloppes.

L’air et la pompe du diaphragme pour la ventilation,

le coeur et les muscles pour la circulation rythmée des liquides,

La respiration et les connexions nerveuses pour les échanges cellulaires et l’information circulante.

De l’intimité cellulaire à l’environnement extérieur, tout est interconnecté.

Le milieu intérieur baigne dans la continuité du tissu conjonctif, connexion intime de la cellule au liquide interstitiel jusqu’à l’os et la peau.

Le milieu extérieur, l’environnement converse avec un milieu intérieur en équilibre dynamique; un détail modifié n’importe où résonne sur l’ensemble. C’est un réseau continu vivant.

L’élasticité globale se traduit en terme de ressort qui pourra se comprimer ou s’étirer pour restituer la force engrangée.

Les mouvements naissent plus clairement de l’appui au sol, le muscle répond davantage en allongement excentrique et moins en raccourcissement concentrique.

L’EAU sera l’élément marquant de cette sensibilité. L’eau qui coule et s’écoule, remplit les creux, contourne les bosses. La vague inspirera le mouvement qui se propage comme une onde à partir du centre et du sol.

Le corps se fera récipient et les contenus liquides se transvasent d’un appui dans l’autre.

L’espace se fera piscine et l’on intégrera la portance et la résistance du milieu.

La chorégraphie Solo se développe à partir de sensations internes, se charge et se décharge dans le cycle des inspirations/expirations.

Les mouvements prennent du corps, illustrations et applications viennent ajouter du sens.

 

Le QIGong se fait plus méditatif.

Une compréhension cellulaire du corps aide à absorber ce qui nous est profitable dans l’inspiration, à laisser s’activer les processus physiologiques d’assimilation pendant l’installation du souffle et puis  à évacuer les déchets métaboliques et plus globalement tout ce qui nous encombre et nous empoisonne sur l’expiration. TuNa

L’exercice dynamique mettra en évidence la pompe diaphragmatique dans l’activation rythmique du souffle; l’exercice méditatif tracera des chemins dans le corps. (petite orbite céleste )

On soulignera la mobilisation des centres moteurs invisibles pour activer la périphérie des membres, de la colonne vertébrale jusqu’au bout des doigts. C’est la dynamique corps visible/corps invisible.

Le duo/duel s’ouvre à la rencontre de la complémentarité et à la réciprocité. L’autre ne fait plus obstacle mais partenaire de l’apprentissage dans l’approfondissement des principes. La main et l’œil lisent le corps dans sa cohérence, son alignement et sa détente pour déceler la faille, l’insuffisance ou l’excès à corriger. Les exercices de systématisation clarifient les 8 principes de base. Peng Lu An Ji Cai Lie Zhou Kao.

3. Le temps énergétique

Le plein s’estompe au profit du vide. L’attention se déplace sur ce qui passe et se passe dans l’entre-deux. La sensation de la » bulle d’énergie » entre les mains devient le guide pour prospecter les différents champs d’énergie qui nous relient et nous traversent.

L’articulation devient le principe harmonisateur qui règle tous les rapports sur le modèle de l’adaptation. Charnières, rouages, pivots, engrenages se donnent à ressentir comme des chacras, des centres énergétiques capables de sentir, de capter et d’émettre de l’énergie. Tout le corps est disponible, il ne fait plus obstacle; la pensée et le corps se répondent point par point.

L’individu s’ouvre au dialogue, à la poésie de la relation – La qualité des mains se propage sur les différentes parties du corps, dans leur proximité ou leur éloignement, dans leur extériorisation ou leur intériorisation.  La main active le dialogue Yin/Yang. 

La main et soi, la main et l’autre, la main et les objets, les murs, les arbres, l’azur,… puis la main se fait pensée, intention, idée et elle se projette aussi loin que va l’esprit.

La forme solo, dans sa apparente répétition à l’identique connaît des variations savoureuses. La dynamique énergétique résonne et se savoure dans chaque geste, les applications envisagées font changer la couleur, les exploitations possibles font pressentir d’autres animations.

L’AIR, par sa capacité à occuper le vide, à gonfler ou dégonfler, à ne pas opposer de résistance  mais de pouvoir être comprimé et à s’expanser avec force donne sa saveur au corps énergétique.  

Le QIgong mène le jeu. 

La pratique méditative tracera un paysage intérieur, la pensée ouvrira des chemins et des portes à la sensation et à l’émotion. Différents rouages s’activeront au passage pour conduire un mouvement qui viendra du ventre, du cœur ou de la tête.

Le milieu extérieur pourra prendre des viscosités différentes, passant de l’air à l’eau ou à l’huile pour activer une autre qualité de mouvements. 

La forme occupe davantage d’espace avec moins de mouvement. Le geste taichi augmente sa portée et sa capacité à toucher, à émouvoir.

Le duo/duel change de registre. L’entre-deux devient le lieu de  la présence. distance, angle, hauteur et bon moment interviennent avant le contact effectif ; le regard prend la qualité de l’atmosphère qui auréole le partenaire et le duel se joue déjà là, les émotions s’inscrivant en clair dans le champ énergétique. La main est capable de rassurer, d’aider à comprendre et à ajuster les incohérences.

4. Le temps philosophique

Les mutations entreprises dans le secret du corps et le retrait du monde  apparaissent au grand jour. L’entraînement porte ses fruits et la pratique se fond dans le quotidien.

L’exercice de la forme solo culmine dans l’interprétation et la dimension esthétique rentre dans l’art de vivre : vivre est une pratique artistique.

Le Qigong, art de nourrir la vie se dit dans une diététique élargie à tous ce qui nous alimente et à la manière dont on s’alimente. La table mais encore  l’Information, la culture et les nourritures affectives et intellectuelles.

Le duo/duel prend une dimension éthique.

L’art martial triomphe dans la non violence, la force Taichi propage la paix.

La relation à l’autre invite à écouter et à choisir pour ne pas subir.

Savoir élire et savoir éviter, ne pas imposer mais proposer et s’adapter si nécessaire. La proposition est évolutive, le temps est au cœur du mouvement, il agit dans son écoulement, dans son retour mais aussi dans l’occasion qu’il offre à son suspens.

Le SOLEIL éclaire la beauté qui nous fait tenir debout.

Le FEU est lumière. Il éclaire la conscience et l’intelligence, il permet d’y voir clair et de distinguer. 

Il est chaleur qui réconforte et active les échanges; 

Il est flamme enfin qui brûle les éléments morts et active les transformations. 

Ces quatre temps de la pratique se répondent dans une dynamique évolutive qui s’ouvre sur le quotidien, invite à recevoir et à donner, à prendre soin de soi et de l’autre, à être présent au monde, les pieds sur terre et la tête dans les étoiles.



Leave a Reply