juin
2008
A propos du Ming Menn – Mei mon
Avant propos
Notre pratique Jisei Do nous invite à construire le corps énergétique ou corps martial, suivant le contexte, comme base de tout développement ultérieur. L’extrême- orient et la tradition chinoise, en particulier, a développé une culture sur base de l’énergie Qi ou Ki (en japonais). Cette notion lui a permis une représentation du monde, de sa genèse, de son organisation et de son fonctionnement.
Ainsi, après un vide mystérieux, indistinct et insondable, voici que point le TaiChi. Ce point, germe inaugural contient la dynamique Yin/Yang. Les souffles légers et subtils montent et vont former le Ciel, les souffles plus lourds descendent, se condensent et vont former la Terre; L’Homme occupe le Vide médian, l’intervalle entre Ciel et Terre. Il est le médiateur, participant du Ciel par la subtilité et de la Terre par sa matérialité, il accomplit le devenir du monde.
Ce langage symbolique nous parle de l’Homme par excellence et de nous , en particulier. Prendre modèle sur la régularité du CIel qui nous inspire et se conformer aux mouvements de la Terre qui nous porte pour assumer au mieux la vie de tous. Prendre en compte l’esprit, l’intelligence qui nous fait comprendre et inventer, assumer la matérialité, l’animalité et la poussée de l’instinct qui nous fait vivre pour s’adapter au mieux, accorder nos énergies au mouvement du monde.
Voici, pour suivre quelques réflexions plus particulières à l’entraînement qui jamais, pourtant, ne nous sépare de la vie au quotidien.
Il est tentant, pour justifier nos exercices énergétiques, de faire référence à la vision traditionnelle telle qu’elle se donne à connaître, par exemple, dans la médecine chinoise ou les textes dit taoïstes.
Cela pose d’emblée un malentendu que l’on pourrait dire réductioniste.
Malentendu culturel d’une part et historique d’autre part. Culturel parce que nous n’avons pas poussé dans le terreau d’une sensibilité énergétique de la vie et historique parce que aujourd’hui, nous avons tendance à réduire le concept à la chose et en l’occurrence, l’idée à un lieu ou un point. Ainsi, Le Ming Menn serait à l’apex de la cambrure lombaire, entre La deuxième et le troisième vertèbre et, en maintenant ouverte cette zone, on maintiendrait ouverte la porte de la vie!
Même si le conseil est pertinent et qu’il est bien utile de décompresser la zone lombaire pour libérer la communication entre la puissance du train inférieur et le haut du corps, j’éprouve le besoin de clarifier le propos par respect pour la physiologie vertébrale, par respect pour la puissance évocatrice du symbole mais surtout eu égard à la pensée raisonnable et raisonnante que je vois mal s’inféoder à des explications symboliques ou religieuses du monde.
Voici donc, quelques clarifications acquises pendant une quinzaine d’années de formation à la médecine traditionnelle chinoise. Elles ne sont in savantes ni hautaines et encore moins définitives mais invitent à repenser notre relation à la tradition, chinoise en l’occurrence.
Les processus de création
Dans cette vision du monde, l’axe de compréhension est la verticale qui place l’Homme debout, tendu entre le Ciel et la Terre.
Cette vision symbolique inscrit d’emblée l’homme dans l’entre Ciel et Terre, il est intégré, fait partie et participe à la création et la recréation incessante de la vie.
Le Ciel Majestueux a l’initiative, il couvre et suscite, la Terre supporte, répond et nourrit.
L’Homme fait communiquer l’un et l’autre, il accomplit.
Tout est QI, les énergies légères, subtiles montent et sont le Ciel, les énergies plus lourdes et matérielles descendent et sont la Terre, l’Homme est composite. Les énergies font et sont la vie, l’énergie n’a pas de forme mais se prête à toutes les formes.
Ming Menn
Dans ce caractère composé, on voit d’une part la porte Menn : une porte a deux battant qui ouvre à l’extérieur, une ouverture, une communication.
d’autre part, ming sous le même toit, réunis la bouche et le bâton, le sceptre : ordonner, décret du Ciel, lot alloué à chacun par le Ciel, la vie.
EN associant la bouche et le sceptre, on peut évoquer l’appel céleste, l’ordre de nous créer et recréer sans cesse.
L’homme sort dans la vie, il recoit dans le dos ce mandat céleste, déposé entre, en-dessous et en avant des reins, sous l’ombilic, sous forme d’énergie originelle. C’est à partir de là que vont se structurer les énergies héréditaires qui organisent l’homme.
On dit que Ming Menn est le tronc des organes et des entrailles c’est à dire des viscères ministres qui gouvernent l’homme sous l’autorité de l’empereur Coeur/esprit.
Il est aussi la racine des 12 « méridiens principaux » et du triple réchauffeur, fonction qui régulent tous les processus de digestion, assimilation et élimination.
Il est encore la Porte de l’inspiration et de l’expiration.
C’est là encore, dans la région pelvienne que s’enracinent les 4 courants d’énergie extraordinaires qui structurent le passage du Ciel antérieur (avant la vie) au Ciel postérieur. D’abord Chongmai qui est un jaillissement volcanique s’élèvant verticalement du fond du bassin; cet élan impétueux est contenu par le Daimai, qui ceinture l’homme à la taille, prévient son éparpillement et assure la cohésion haut/bas. Derrière, le Dumai assure l’appui et charpente la paroi postérieure de la pointe du coccyx jusqu’à la pointe du museau; devant Ren Mai forme le réceptacle et prend en charge toutes les potentialités, du périnée à la bouche.
Dans sa relation au Ciel Antérieur, Ming Menn est lié au Rein droit. Rien à voir avec nos rognons mais dans ce langage codé, relation avec les processus de création liés à l’EAu et au Feu originels.
Enfin, c’est à partir du « muscle ancestral », ancrage périnéen que se développent les XII méridiens dans leur aspect musculo-tendineux, suivant une logique mise en évidence par les « chaînes musculaires ».
Il paraît dès lors évident que Ming Menn, plus qu’un point est une fonction de création et recréation. Cette appellation est également donnée à l’ombilic( 8RM), porte maternelle de la vie et commande du Champ de cinabre (DanTian) inférieur en relation avec la recréation spirituelle ainsi qu’au point 5 RM , porte de pierre ou pierre de la porte, reponsable de l’enracinement de la vie dans le pelvis.
Mode d’emploi
Notre posture exprime, à sa manière, notre façon de nous poser, de nous porter et de nous comporter dans la vie.
Elle reflète d’abord et conditionne ensuite notre relation au monde. Fonctionnement organique, fonctionnement psychologique et comportement quotidien sont en perpétuelle résonnance.
Remettre en question la manière dont on se tient, nos tensions et nos faiblesses, nos excès et nos manques, est au coeur de la pratique JiseiDo.
Debout, redressé, étendu et détendu entre Ciel et Terre, voilà la premère invite.
soumis à une recréation permanente par le souffle et l’alimentation, voilà une deuxième invite qui résonne au niveau physique- terre, psychique- homme et spirituel- ciel.
L’ancrage dans la puissance créatrice est dans la relation au bassin, au pelvis.
La taille est ouverte, la cambrure lombaire naturelle est allégée des tensions excessives qui s’y concentrent volontiers et le bassin conserve sa mobilité adaptative.
Pour cela, il convient de rendre aux membres inférieurs force et agilité. Chaque articulation du pied, de la cheville, du genou et de la hanche doit jouer son rôle pour amortir et rebondir, propulser ou immerger. Leur alignement est garant d’une bonne transmission des forces, de la répartition des efforts et de la prévention des pertes d’équilibre et d’énergie.
Le souffle assure l’animation et la circulation à l’interne. Accueillir la poussée de l’inspiration jusqu’au fond du bassin fait prendre conscience de notre assise profonde et de notre ancrage dans la génitalité – genre (masculin / féminin), genèse (recréation permanente), et génération (engendrement et sexualité).
L’écoute de la remontée de la pression du sacrum vers le crâne précise l’adossement, l’appui postérieur qui conforte et permet l’action vers l’avant. L’abandon dans l’expiration favorise la détente, l’expression du geste et l’élimination des déchets et des parasites qui nous encombrent.
Des pistes
Intellectuellement, la puissance symbolique de la pensée traditionnelle chinoise nous inspire; sa vision intégrée, écologique avant l’heure, nous conforte dans l’implication et la participation au monde dans lequel on veut vivre.
On perçoit volontiers des résonances entre la vision énergétique et la physiologie tel qu’on peut l’approcher aujourd’hui.
Méfions-nous cependant des simplifications abusives de tous ceux qui veulent justifier leur discours en puisant, hors contexte, dans la vision traditionnelle chinoise. La dialectique yin/yang se fait dogmatique et les viscères administrateurs, organes, entrailles de la médecine chinoise se retrouvent fréquemment réduit à ce que le grand public connaît du fonctionnement des organes.
Et que dire des méridiens vus comme des tuyaux et des boutons pour ne pas parler des 5 « éléments » et de leurs correspondances mis à toutes les sauces.
Il n’est pas courant de rencontrer des passerelles entre l’approche énergétique traditionnelle et la physiologie moderne.
J’ai trouvé dans la présentation de Vincent Fleury à Namur – La mathématisation complète d’un vertébré s’avère possible – des descriptions du flux cellulaires lors de la gastrulation qui me semblent concrétiser la dynamique Ming Menn, ombilic et Du mai. A voir, méditer et partager!. http://www.gmcm.univ-rennes1/trombinoscope/fleury
Bibliographie
- Acupuncture de Jean Marc Kespi chez Maison neuve
- Les traductions du HuangDi Nei Jing Suwen par Claude Larre et Isabelle Rochat de la Vallée de l’institut Ricci.