21
octobre
2020
- En cette triste période où les contacts sont prohibés, je reprends un ancien article pour situer l’exercice « énergétique » qui permet de s’entraîner seul et avec partenaire sans entrer en contact.
- Les quatre temps du corps Taichi
Le corps, ton corps est le lieu de la présence à l’exercice. Il condense l’ensemble des forces actuelles et potentielles et des ressources physiques et psychiques.
La pratique s’organise donc autour de la construction et de l’animation du corps Taichi.
Dans la globalité de la pratique je repère 4 temps de l’exercice et de la mise en œuvre de soi.
1. Le temps mécanique
C’est le temps de l’approche anatomique. Elle aborde la construction de la posture en terme de charpente osseuse, d’articulations et de liens tendineux et musculaires.
La posture, manière dont nous nous posons là, nous fait accepter l’attraction terrestre. Elle nous donne du poids mais a tendance à nous enrouler alors que la stature, manière dont on se tient active les forces de redressement qui nous font tenir debout.
On exerce la prise de terre, l’alignement, on cherche l’abandon des tensions excessives et de toutes les crispations qui brident la détente et l’aisance.
On y parle de polarisation entre ciel et terre, d’axe vertical et de centres moteur, on organise l’espace en plans et directions et on se réfèrera au principe des leviers pour chercher le mouvement le plus économique et le plus efficace.
L’élément TERRE est emblématique de ce temps inaugural.
La Terre planète et la pesanteur, le sol et la prise d’appui.
L’exercice solo passe par l’apprentissage formel : posture, appuis, pieds et pas, mouvements et directions de la chorégraphie.
Le Qigong est dans ses fondations corporelles – étirements, assouplissements et tonification se retrouvent sous l’appellation DaoYin.
On retrouvera les exercices de base du style YangJia Michuan et les exercices des animaux.
L’exercice Duo/duel présente l’autre comme un obstacle, une force qui résiste ou s’oppose. On vérifiera l’enracinement, la détente, la capacité à recevoir et à donner une force à travers les exercices éducatifs.
2. Le temps Organique – Tout baigne !
Le tout prend le pas sur les parties.
Toutes les parties du corps, toutes les pièces et les rouages, tous les éléments de cet ensemble complexe entrent dans un fonctionnement intégré.
Les détails anatomiques s’estompent au profit du fonctionnement global.
Motricité, respiration et circulation inscrivent dans l’ensemble du corps des centres et des lignes de force.
L’intérieur devient le milieu où s’organisent ces forces, on y sent des circulations, des courants, des membranes, des parois et des enveloppes.
L’air et la pompe du diaphragme pour la ventilation,
le coeur et les muscles pour la circulation rythmée des liquides,
La respiration et les connexions nerveuses pour les échanges cellulaires et l’information circulante.
De l’intimité cellulaire à l’environnement extérieur, tout est interconnecté.
Le milieu intérieur baigne dans la continuité du tissu conjonctif, connexion intime de la cellule au liquide interstitiel jusqu’à l’os et la peau.
Le milieu extérieur, l’environnement converse avec un milieu intérieur en équilibre dynamique; un détail modifié n’importe où résonne sur l’ensemble. C’est un réseau continu vivant.
L’élasticité globale se traduit en terme de ressort qui pourra se comprimer ou s’étirer pour restituer la force engrangée.
Les mouvements naissent plus clairement de l’appui au sol, le muscle répond davantage en allongement excentrique et moins en raccourcissement concentrique.
L’EAU sera l’élément marquant de cette sensibilité. L’eau qui coule et s’écoule, remplit les creux, contourne les bosses. La vague inspirera le mouvement qui se propage comme une onde à partir du centre et du sol.
Le corps se fera récipient et les contenus liquides se transvasent d’un appui dans l’autre.
L’espace se fera piscine et l’on intégrera la portance et la résistance du milieu.
La chorégraphie Solo se développe à partir de sensations internes, se charge et se décharge dans le cycle des inspirations/expirations.
Les mouvements prennent du corps, illustrations et applications viennent ajouter du sens.
Le QIGong se fait plus méditatif.
Une compréhension cellulaire du corps aide à absorber ce qui nous est profitable dans l’inspiration, à laisser s’activer les processus physiologiques d’assimilation pendant l’installation du souffle et puis à évacuer les déchets métaboliques et plus globalement tout ce qui nous encombre et nous empoisonne sur l’expiration. TuNa
L’exercice dynamique mettra en évidence la pompe diaphragmatique dans l’activation rythmique du souffle; l’exercice méditatif tracera des chemins dans le corps. (petite orbite céleste )
On soulignera la mobilisation des centres moteurs invisibles pour activer la périphérie des membres, de la colonne vertébrale jusqu’au bout des doigts. C’est la dynamique corps visible/corps invisible.
Le duo/duel s’ouvre à la rencontre de la complémentarité et à la réciprocité. L’autre ne fait plus obstacle mais partenaire de l’apprentissage dans l’approfondissement des principes. La main et l’œil lisent le corps dans sa cohérence, son alignement et sa détente pour déceler la faille, l’insuffisance ou l’excès à corriger. Les exercices de systématisation clarifient les 8 principes de base. Peng Lu An Ji Cai Lie Zhou Kao.
3. Le temps énergétique
Le plein s’estompe au profit du vide. L’attention se déplace sur ce qui passe et se passe dans l’entre-deux. La sensation de la » bulle d’énergie » entre les mains devient le guide pour prospecter les différents champs d’énergie qui nous relient et nous traversent.
L’articulation devient le principe harmonisateur qui règle tous les rapports sur le modèle de l’adaptation. Charnières, rouages, pivots, engrenages se donnent à ressentir comme des chacras, des centres énergétiques capables de sentir, de capter et d’émettre de l’énergie. Tout le corps est disponible, il ne fait plus obstacle; la pensée et le corps se répondent point par point.
L’individu s’ouvre au dialogue, à la poésie de la relation – La qualité des mains se propage sur les différentes parties du corps, dans leur proximité ou leur éloignement, dans leur extériorisation ou leur intériorisation. La main active le dialogue Yin/Yang.
La main et soi, la main et l’autre, la main et les objets, les murs, les arbres, l’azur,… puis la main se fait pensée, intention, idée et elle se projette aussi loin que va l’esprit.
La forme solo, dans sa apparente répétition à l’identique connaît des variations savoureuses. La dynamique énergétique résonne et se savoure dans chaque geste, les applications envisagées font changer la couleur, les exploitations possibles font pressentir d’autres animations.
L’AIR, par sa capacité à occuper le vide, à gonfler ou dégonfler, à ne pas opposer de résistance mais de pouvoir être comprimé et à s’expanser avec force donne sa saveur au corps énergétique.
Le QIgong mène le jeu.
La pratique méditative tracera un paysage intérieur, la pensée ouvrira des chemins et des portes à la sensation et à l’émotion. Différents rouages s’activeront au passage pour conduire un mouvement qui viendra du ventre, du cœur ou de la tête.
Le milieu extérieur pourra prendre des viscosités différentes, passant de l’air à l’eau ou à l’huile pour activer une autre qualité de mouvements.
La forme occupe davantage d’espace avec moins de mouvement. Le geste taichi augmente sa portée et sa capacité à toucher, à émouvoir.
Le duo/duel change de registre. L’entre-deux devient le lieu de la présence. distance, angle, hauteur et bon moment interviennent avant le contact effectif ; le regard prend la qualité de l’atmosphère qui auréole le partenaire et le duel se joue déjà là, les émotions s’inscrivant en clair dans le champ énergétique. La main est capable de rassurer, d’aider à comprendre et à ajuster les incohérences.
4. Le temps philosophique
Les mutations entreprises dans le secret du corps et le retrait du monde apparaissent au grand jour. L’entraînement porte ses fruits et la pratique se fond dans le quotidien.
L’exercice de la forme solo culmine dans l’interprétation et la dimension esthétique rentre dans l’art de vivre : vivre est une pratique artistique.
Le Qigong, art de nourrir la vie se dit dans une diététique élargie à tous ce qui nous alimente et à la manière dont on s’alimente. La table mais encore l’Information, la culture et les nourritures affectives et intellectuelles.
Le duo/duel prend une dimension éthique.
L’art martial triomphe dans la non violence, la force Taichi propage la paix.
La relation à l’autre invite à écouter et à choisir pour ne pas subir.
Savoir élire et savoir éviter, ne pas imposer mais proposer et s’adapter si nécessaire. La proposition est évolutive, le temps est au cœur du mouvement, il agit dans son écoulement, dans son retour mais aussi dans l’occasion qu’il offre à son suspens.
Le SOLEIL éclaire la beauté qui nous fait tenir debout.
Le FEU est lumière. Il éclaire la conscience et l’intelligence, il permet d’y voir clair et de distinguer.
Il est chaleur qui réconforte et active les échanges;
Il est flamme enfin qui brûle les éléments morts et active les transformations.
Ces quatre temps de la pratique se répondent dans une dynamique évolutive qui s’ouvre sur le quotidien, invite à recevoir et à donner, à prendre soin de soi et de l’autre, à être présent au monde, les pieds sur terre et la tête dans les étoiles.
Publié par Jean-Luc dans Articles de référence, Réflexions personnelles Réactions:
17
février
2020
L’ESPACE, ressource infinie.
Entrer dans la géométrie de la présence
L’esprit TaiJi s’incarne chair et os dans la posture. La présence n’est donc jamais isolée de l’espace.
L’espace est partout, autour, dedans, au plus loin comme au plus intime; l’espace c’est 99,9% et la matière c’est 0,01%.
C’est dire qu’on a de la place. Il s’agit de l’occuper en conscience.
La posture se vit en volume 3D, elle s’organise selon une géométrie où elle prend sa mesure.
Debout, sur l’axe vertical, elle s’inspire du modèle symbolique Ciel/Homme/Terre et, plus sobrement de cette tension de redressement entre l’attraction terrestre qui nous colle à la terre et un tropisme solaire qui nous attire tel le végétal qui pousse et pointe vers la lumière.
Ainsi se construit un axe virtuel autour duquel s’érige la stature.
Puissance de l’imaginaire, cet axe nous suit partout sur la boule Terre.
“Que ta mesure ne soit pas une démesure “
Pieds joints, ce rayon solaire médian entré par le sommet du crâne accorde l’alignement vertébral postérieur avec la ligne nez, sternum, nombril; traversant le périnée, il se poursuit dans la terre en passant juste entre les pieds.
De part et d’autre de cette référence, s’équilibre le rapport gauche/droite de telle sorte que suivant l’écart des pieds le fil à plomb tombe toujours au milieu.
Ainsi, les pieds sont toujours sous le corps et le corps centré au-dessus des pieds; partout où je vais, ils sont là, sous moi.
Le développement d’une stature stable invite à écouter ce rapport gauche/droite précisant des plans d’équilibre horizontal qui s’échelonnent de la tête aux pieds pour ajuster le port de tête (plan vestibien des canaux semi-circulaires de l’oreille interne), la carrure épaules (épaules basses), l’assiette des hanches, la ligne des genoux et des chevilles pour retrouver le plat du sol.
Sur un sol inégal, il s’agira de rectifier la pose mais comme de toutes façons nous sommes tous un peu gauchis, tordus et boîteux la correction posturale est toujours de mise.
Une lecture sagittale entre face et dos suggère que la façade postérieure offre un appui, un dossier invitant la façade antérieure à se détendre, à s’effacer.
L’ensemble a de l’allure, une tenue qui résiste aux fatigues et aux charges qui nous avachissent, une présence attentive qui dégage tous nos capteurs sensoriels et invite à la conscience du souffle.
Le souffle fait le lien entre l’espace extérieur et l’espace intérieur
Il vient gonfler ce volume à l’inspiration et lui donne à se détendre sur l’expiration.
Le registre du souffle arrondit les angles, on a conscience d’une bulle qui s’expanse et revient et cette conscience n’a de limite que celle de notre point de vue, de notre capacité à nous penser au centre d’un volume allant de la peau aux étoiles. On se prend comme centre et dans cet aller-retour on peut respirer avec la nature, avec la cosmos, avec l’univers.
Le souffle ne se limite plus à la respiration aérienne, la peau devient un interface diffus et poreux entre nous et le monde. On se charge et se libère, on reçoit et donne, on capte et on émet. L’information circule, l’espace nous informe et nous forme.
Arrête de te penser tout petit !
Publié par Jean-Luc dans Actualité de l'école, Articles de référence, Réflexions personnelles Réactions:
7
octobre
2019
Du Taichichuan, à quoi bon ?
« C’est bon pour la santé » .
Détente, souplesse, écoute, disponibilité, robustesse, vulnérabilité acceptée, concentration, méditation …
Du mieux-être, du bien-être et du plaisir. Mais encore ?
Il me semble que l’on pourrait rassembler l’ensemble des effets sous le thème de l’adaptabilité.
S’éduquer à reconnaître et accepter le changement en évitant la résistance crispée à une croyance supersticieuse devant l’étrange, l’inconnu qui dérange ou l’adverse qui menace.
Habiter le corps permet de mieux se connaître. Partir de soi, reconnaître et assumer ses faiblesses et ses forces, cela fait déjà une bonne part d’inconnu en moins face à l’inattendu d’une situation. Cette disponibilité permet un STOP, un écart salutaire évitant de se laisser mener par la réaction émotionnelle immédiate.
On ne refuse pas l’émotion, on n’essaye pas de la faire taire ou de la nier mais on constate ce qu’elle mobilise en nous pour mieux suivre, tempérer ou modifier sa réaction. Paradoxalement l’entraînement à l’écoute de soi permet de s’oublier au profit d’une vigilance à tournée vers la situation alentour et à une vision claire des forces en présence, des risques et des possibilités.
L’ancrage dans le souffle permet de gérer la réaction de survie qui nous ferait spontanément fuir, impressionner ou s’inhiber. Ancrer le souffle dans le bassin et les reins donne un appui solide pour encaisser, éviter ou recycler les énergies qu’on dira contraires, comme on parle de vents contraires.
Robustesse et vulnérabilité reconnues accroissent nos possibilités d’adaptation à l’ensemble des forces en jeu. La robustesse, pour supporter la mise en tension globale de la situation et la vulnérabilité, pour ne pas se priver de sentir et ressentir par excès de précaution et de protection.
Rester disponible pour choisir ce que l’on accepte, transforme, évite ou refuse de la situation. Choisir et Agir tout en se chargeant de moins en moins de regrets ou remords, de culpabilité ou de triomphalisme compensatoire.
L’adaptabilité comme un savoir-vivre et un savoir-faire.
On pourrait parler d’élasticité et de résilience, de tenségrité et donc d’équilibre global, dynamique et harmonieux de l’ensemble des forces de tension et de détente.
Publié par Jean-Luc dans Actualité de l'école, Articles de référence, Réflexions personnelles Réactions:
28
novembre
2014
Cette réflexion du Mtre Wee Kee Jin me plaît beaucoup :
« En TaiChiChuan, on ne fait pas de mouvement, on applique les principes TaiChi. »
En effet, on est souvent distrait par le vocabulaire en usage – saisir le queue du moineau, caresser l’encolure du cheval, jouer du Pipa…et on ne voit plus ce qui se cache derrière ou plutôt dedans.
L’image est là pour éveiller la sensibilité, favoriser la mémorisation, transmettre en langage crypté mais elle ne dit pas l’essentiel de l’art interne.
ART INTERNE
L’interprétation la plus fréquente le distingue de la pratique dite externe qui met en valeur la performance musculaire, force, résistance, rapidité, brutalité .
La plus pertinente reste pour ma part, la référence à l’intériorité et à l’intimité.
Qu’est ce à dire ?
Outre le rapport à l’espace intérieur, Sans césure du corps à l’esprit, j’y vois un rapport de cause à effet ainsi qu’un projet existentiel.
– Causalité – l’esprit s’organise en une intention qui initie l’action,
– L’énergie – tout à la fois information nerveuse, sang et souffle allume le trajet de l’action
– Les référents internes produisent la suite physiologique du mouvement.
DONC, c’est d’abord affaire d’esprit !
Certes, on ne s’en rend pas clairement compte quand on débute mais il y a quelque chose dans l’esthétique et la lenteur qui nous parle d’un choix de vie.
Comme on parle de méditation en mouvement, je parle de philosophie du mouvement à entendre comme un choix de vie bonne sous le signe du mouvement, du devenir en accord avec la force de la douceur.
Ensuite, on parle d’énergie (Qi).
Là cela se complique un peu tant le terme est vague.
Mais justement l’énergie n’a pas de forme et se prête à toutes les formes pour produire ses effets.
L’énergie, on la ressent clairement quand on en a : On est en forme, on a de l’idée et du souffle, on est enthousiaste, plein d’entrain…Tout ce qu’il faut de vitalité pour aller avec la vie sachant dépenser sans gaspiller et nourrir sans nuire.
Dans le corps l’énergie ne se distingue pas du souffle (air) et du sang ni de l’information nerveuse (sensitive et motrice) et, dans cette optique le corps rassemble toutes nos facultés et nos potentialités connues et inconnues selon la formule proposée par F. Billeter.
Enfin, on bouge à partir du centre.
l’économie du mouvement associe la détente et l’alignement postural.
Pour produire ses effets, une force a besoin de points d’appui; les repères internes seront les lieux d’appui et de passage des forces.
« La force s’enracine dans les pieds, se développe dans les jambes, s’oriente dans le bassin, voyage dans la colonne vertébrale pour fleurir dans le geste et le regard »
DONNER : Le pied touche le sol, il entre en contact avec la terre et y trouve des appuis pour exprimer des forces de poussées ascendantes qui sont amplifiées par le genou et la hanche coxo-fémorale. L’assise du bassin efface l’excès de cambrure lombaire et permet à la force de monter le long de la C.V. pour fleurir dans le regard et, passant par l’épaule sortir par la main.
RECEVOIR : Le pied fait office de prise de terre, il se connecte pour laisser passer le courant descendant, le genou amortit, le bassin s’assied, la portion lombaire laisser couler les forces vers le bas. La stature se maintient mais libère en elle-même les passages ( relais – rouages – chacras )de la force, comme une coulée descendant à la rencontre du sol.
YIN / YANG
Donner ( Peng) et recevoir (Lu) sont les deux grandes dynamiques recyclant perpétuellement les énergies contrastées et concourantes qui produisent beaucoup d’effet sans beaucoup d’effort.
décembre 2014 – à suivre…
Publié par Jean-Luc dans Actualité de l'école, Articles de référence, Réflexions personnelles Réactions:
2
mai
2014
Dans la sphère des pratiques TaiChiChuan et Chi Cong, j’éprouve aujourd’hui une réticence à l’emploi des termes chinois.
Dans mes trente cinq ans de pratique, j’ai essayé d’apprendre le chinois, j’ai lu diverses traductions autorisées, j’ai étudié l’approche médicale traditionnelle où j’ai fréquenté chinois et sinologues.
Depuis la lecture de l’art chinois de l’écriture , il y a une quinzaine d’années, les réflexions de *Jean François Billeter m’invitent à puiser dans ma langue maternelle pour retrouver le contexte où faire résonner la puissance évocatrice des images et des concepts chinois anciens.
Ne plus « faire « du ChiCong mais être dans une culture énergétique, en quelque sorte.
premier temps – août 2013
Energie, souffle, dynamisme, ambiance …le Qi ne tient en place
en tous cas pas dans le territoire défini d’un unique mot français.
C’est qu’il est changeant par nature, comme le temps, comme l’air ou l’humeur, il se transforme; c’est bien là sa spécificité.
L’étude des caractères ouvre sur la bio-logique, la vie « entre ciel et terre » où la puissance solaire mobilise des masses d’air et d’eau
qui s’échangent en souffles et vents, vapeurs et pluies pour animer la terre. (Voir Wieger, leçon étymologique 98.)
L’humain est concerné par nature, sa présence, sa cuisine et ses souffles participent du Qi.
Tout est Qi, de la matérialité à la subtilité, car ce qui n’a pas de forme particulière se prête à toutes les formes et toutes les applications.
Le Qi connaît des états, des changements d’états et des mouvements que l’on peut décrire en yin/yang quand on choisit ce langage.
En intimité avec la vie, il signe la vitalité et la vivacité.
Le Qi Gong ou la culture du Qi.
Tout un projet ! Cultiver la vitalité, prendre soin de ce qui nous rend vivant et s’exprime dans l’émergence d’une personnalité et d’un projet.
La sagesse antique invite à «suivre le Dao», à adhérer au mouvement de la vie sans nager à contre-courant.
Mais encore ? Suivre le naturel voilà qui est bien étrange pour l’homme façonné par une culture.
C’est que ce naturel se cultive lui-aussi, il se retrouve par l’exercice de l’esprit, la méditation et la pratique artistique.
C’est une provocation – Cultiver le naturel lors même que l’on est immergé dans toutes nos contraintes actuelles.
Faire corps avec la vie invite à partir du corps dans la conscience de cette pleine adhésion.
Comment passer de la confusion initiale à la présence harmonieuse?
Par un double mouvement d’écart et de retour.
L’écart par un processus de distinction et de conscience de soi,
le retour par un processus spirituel d’adhésion à la vie et au monde.
Accéder à l’individualité en mode personnel et à la participation en mode collectif.
Assumer la nécessité pour trouver la liberté.
On peut alors aborder au bonheur simple d’être. Ici et là à la fois, en soi et avec le monde, pour soi, dans et par le monde.
* L’art chinois de l’écriture chez Skira et Leçons sur Tchouang-Tseu et autres publications aux éditions Allia
Publié par Jean-Luc dans Articles de référence, Réflexions personnelles
Mot(s) clé(s): chi, ChiCong, langue française
Réactions:
21
avril
2014
Quand on parle Tai Chi Chuan en français, on parle FORME et de style en référence à la pratique en solo.
On entend que le pratiquant met en forme et donne corps aux principes abstraits qui inspirent le TJQ : Verticalité entre Ciel et Terre, détente et enracinement, fluidité de l’intention au geste…
Dans le dictionnaire historique de la langue française j’ai trouvé le mot FIGURE pour dire la forme, l’aspect, l’allure et le comportement.
Le latin fingere parlait de modeler l’argile pour représenter d’où la figurine qui montre et permet de se figurer.
Le sens s’est élargi vers le dessin, le portrait puis la représentation graphique d’un signe pour donner forme à une abstraction.
Ainsi des chiffres ou de l’écriture mais aussi d’une suite programmée de gestes comme le sont les FIGURES de la danse ou les figures imposées du patinage artistique.
Dans nos chorégraphies, on retrouvent toujours des séquences telles que «la queue de l’oiseau, brosser les genoux ou les mains-nuages que j’appellerais volontiers les FIGURES du TJQ.
Nous pratiquons donc un ART FIGURATIF qui donne à voir par des formes et des mouvements.
Dans l’art de la rhétorique, on emploie des FIGURES DE STYLE qui permettent un écart par rapport au sens initial ou à l’étymologie.
elles nous transportent vers un autre niveau de compréhension passant du sens littéral au sens FIGURE.
Et voici que l’on saute du formel à l’informel pour aller au-delà de la matérialité du geste.
Le STYLE caractérise l’individu qui se met debout (le grec stulos = colonne) et s’exprime avec une présence qui lui est propre : Son corps parle avec un rythme, un tempo, des cadences et un flux particulier. On pourrait dire qu’il a son écriture, sa GRAPHIE propre ( stilus = le stylet pour graver et écrire).
Parler de CHOREGRAPHIE prend alors plus de sens pour évoquer la danse TaiChi qui trace ses gestes dans l’espace en jouant de tensions variables
( danser et tendre se rejoignent étymologiquement).
L’artiste martial construit son oeuvre, il est en même temps matière première, outil et oeuvre, il reçoit l’information de ses prédécesseurs et la partage avec ses pairs.
La maîtrise vient avec le temps et l’appellation maître ne vient que de la reconnaissance de ceux qu’il inspire.
Peaufiner sa chorégraphie, jouer des figures et des formes, les charger des principes fondamentaux, leur donner du sens aide à trouver et à affiner l’accord entre le style du geste et le style de vie.
UNE VIE D’ARTISTE OÙ L’AUTHENTICITE NE VIENT QUE EN S’ENTRAÎNANT.
Publié par Jean-Luc dans Articles de référence, Réflexions personnelles Réactions:
24
mars
2013
Qu’est ce que le Tai Chi chuan, c’est quoi le Chi Gong ?
Souvent posée, la question se résout par une invitation à la pratique. C’est que les formules consacrées – gymnastique douce, méditation en mouvement, culture de l’énergie – ne vibrent pas dans les corps et que les mots restent indigestes quand ils ne sont pas mis en chantier.
Le Chi Gong n’est soluble que dans l’expérience personnelle !
Cependant, je désire partager quelques repères sous le thème du « Corps Tai Chi ». Je parle du corps car c’est avec lui que l’on entre dans l’expérience de soi et je dis TaiChi pour rendre compte de la globalité de l’aventure. Le cerveau est dans le corps et la conscience vient avec le cerveau ainsi, l’esprit est dans le corps comme le corps est dans l’esprit. Prenons le temps de jalonner le parcours allant de la mécanique à l’énergétique et de l’énergétique à la philosophie.
D’abord La machine corporelle – l’homme debout.
Le corps mécanique s’articule autour du confort et de l’économie dans la stabilité et le mouvement. L’ajustement vertical offre le plus grand confort pour gérer la pesanteur qui ramène tout à la terre
Sous le contrôle du système nerveux , on y voit :
- Une charpente osseuse – où tous les segments s’adaptent les uns aux autres par le biais de rouages et d’engrenages.
- Un moteur musclé – des forces musculaires qui stabilisent et mobilisent globalement et localement.
- Un tissu conjonctif – des tendons, des ligaments, des enveloppes et des fluides qui font de l’ensemble une mécanique intégrée.
- Une dynamique pneumatique – spires et re-spire en continu gonflent et relâchent le mannequin.
La détente se dit par trois : relâchement, étirement et tonification
- Le relâchement des tensions superflues pour libérer les structures bridées.
- L’étirement par éloignement des extrémités pour maintenir souplesse et connectivité.
- La tonification pour reprendre confiance dans les appuis.
Ces trois là jouent autant dans le corps que dans le coeur et l’esprit.
Notre référence sera la posture TaiChi
On se pose sur le sol pour prendre appui et se redresser et d’autre part, on se tient, se maintient et s’anime entre aisance et puissance. La colonne vertébrale est un pilier mobile, un empilement de pièces articulées, interconnectées par des ligaments et des muscles. Les vertèbres ont chacune leurs spécificités fonctionnelles pour porter, supporter et faire tourner la machine. Debout, on s’abandonne à la pesanteur en lâchant les crispations de notre personnage quotidien et on s’oppose directement à la chute en éveillant un tropisme solaire qui nous étire comme la plantule poussant sa pointe vers la lumière. Cette double invite ajuste l’alignement, la détente et l’étirement. On s’abandonne à la terre pour augmenter la stabilité et le poids, on s’étend vers le soleil pour accroître vigilance et légèreté. Le train inférieur, des pieds au bassin condense l’appui et la force liés à la terre, le train supérieur de la main à l’omoplate et à la tête exprime l’acuité et la lucidité solaire et l’axe vertébral joue avec élasticité pour transmettre les informations statiques et dynamiques.
Le mouvement et le geste
Ici encore, la colonne vertébrale est au centre. elle est l’axe, le moyeu, le pivot et le premier moteur. L’intention naît du ventre, du coeur et de la tête alors que les jambes portent les mains là où elles sont efficaces. En pratique, ce sont différents niveaux de l’axe vertébral qui prendront l’initiative pour orienter le mouvement et adresser le geste… Le prochain article reprendra le fil du mouvement à partir du corps organique.
Publié par Jean-Luc dans Articles de référence, Réflexions personnelles
Mot(s) clé(s): chi, chuan, corps, gong, mouvement, Posture, Qi, réflexions, tai
Réactions:
3
décembre
2012
Depuis la mi-septembre, la séance Tai Chi Chuan du jeudi 11h00 est précédée d’une demi-heure d’assise méditative. Je savais précieux le suspens de l’agitation habituelle mais je n’osais le proposer tant le mot « méditation » pesait lourd de ses connotations spirituelles, religieuses et ascétiques. Les stages de Danza Duende sont émaillés de courtes pratiques d’intériorisation et la simplicité de l’approche m’a convaincu. Aujourd’hui, un temps d’assise tranquille ouvre la séance de Taichi.
Cela s’appelle – Vivre en amitié avec soi-même!
Le thème initial est celui de l’oeuf.
La forme ovoïde permet d’inscrire le corps en posture assise. L’image est plastique, modulable à souhait, elle facilite des représentations qui autorisent diverses mises en oeuvre de soi. La coquille présente un dôme et un fond, tête et pelvis forment les 2 pôles. Elle est solide et poreuse; elle délimite et permet la communication. L’intériorisation dans sa coquille n’est pas un enfermement mais un préalable utile à la clarté du propos : reprendre l’aventure de la construction de soi.
En arrière, le dos et le dossier, nous sommes adossés à la colonne vertébrale, notre charpente osseuse, pilier de notre redressement.
En avant, la face, la poitrine et le ventre dessinent la panse, des contenants faisant écho à diverses modalités symboliques de notre présence:
En bas, le bassin, l’assise et le réservoir des possibles – les tripes et la force intime, le sexe et le vouloir-vivre.
Au milieu, la poitrine et le coffret thoracique, contenant de élans du coeur , de ses désirs et de ses freins
En haut, la tête et la boîte crânienne – lieu des représentations, de la conscience et de l’intelligence qui permet de changer les points de vue.
Tout est dans l’oeuf.
Le souffle est le fil conducteur, il porte la sensation qui chemine à travers le corps. Peu à faire et beaucoup à défaire, le sourire est là pour dénouer et lâcher ces tensions inutiles qui contiennent et empêchent l’expression d’une présence plus joyeuse.
Et tout commence avec TOI…
Au plaisir de vous rencontrer.
Publié par Jean-Luc dans Réflexions personnelles
Mot(s) clé(s): assise, chi, chuan, Posture, réflexions, tai
Réactions:
3
octobre
2012
Bonjour,
plus de trente ans déjà et l’aventure taichichuan continue à Namur. Même motivation : une voie de bien-être ou de mieux-être partagé. Même constat : Le corps est au départ de notre présence, de notre conscience et de notre action. Prenons-en soin, aimons-le.
Autour d’une affirmation : Le plaisir est le moteur des apprentissages heureux – Evitons ce qui le gâche, cherchons à ouvrir la pensée et le coeur, lâchons les croyances toutes faites et cultivons la curiosité et le sens de l’autre.
Depuis 1983, ma pratique TaichiChuan s’accorde avec le style Yang Michuan . Elle s’est continuellement ajustée à la fréquentation d’autres styles – Rencontres Jasnières, TaiChiT’cho, Lalita, Hannover…
J’ai creusé la compréhension énergétique avec une formation en médecine chinoise, j’ai approfondi le rapport physiologique dans la thérapie manuelle/ostéopathie, j’ai approché ses résonances chamaniques – souffle et son, voix et rythme, j’ai écouté les résonances symboliques de la tradition – orient/occident, j ai bien sûr creusé l’essence martiale conjuguant l’efficacité défensive et la bonne santé.
Depuis une dizaine d’années, la danse est venue compléter le sens de la relation et du plateau – espace/temps avec Laurence – TaichiTango avec Jo. Aujourd’hui, Danza Duende avec Yumma, met l’art au rang d’une sagesse au quotidien. Une invitation à plus de conscience pour « danser sa vie et vivre sa danse ». Réveiller la bonté et la beauté profonde de chacun, sentir l’interdépendance des humains dans une société plus harmonieuse.
Un égoïsme altruiste qui se réjouit du bonheur des autres, ne souffre pas du malheur et s’attache à aider.
Voilà qui ne change pas le contenu mais clarifie le propos : mieux-être, plaisir et contagion sur base de culture de l’énergie et du sens de l’autre.
Les occasions:
- ChiGong : intériorisation / espace-temps / 6 animaux / 4 éléments / les spirales / les tours pivots / bâton court
- TaiChiChuan : forme courte 13 de base / forme longue 3 duans / formes à l’éventail et au bâton long
- Tui Shou : la relation duo / duel – guerrier Duende – un art martial pour la paix
- TaiChiTANGO : Le voyage dansant du tango argentin dans une exploration évolutive de ses composantes : posture, pas, abrazo, musiques et rythme.
Au plaisir de vous revoir.
Publié par Jean-Luc dans Actualité de l'école, Réflexions personnelles
Mot(s) clé(s): chi, chuan, personnelles, Qong, réflexions, shou, tai, tango, tui
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26
novembre
2010
La philosophie Tai Chi : une pratique existentielle.
La pratique du Tai Chi Chuan, sa gestuelle et ses variations de style à orientation martiale ou récréative nous font facilement oublier que derrière ce que l’on en voit vibre une vision du monde et de l’homme.
Dao
Pour évoquer la vie, son foisonnement et sa marche en continu, on parle du Dao. Un processus créatif qui va de soi et embarque toutes les existences particulières. On dit usuellement la Voie, en français. On ne peut se l’approprier, on en voit les traces; on en fait partie et on ne peut qu’y adhérer. Des acceptions particulières font entendre qu’il s’agit d’un chemin de développement personnel au sens d’une réalisation intérieure. On parle ainsi de la Voie des arts martiaux (BuDo) au sein de laquelle des adeptes pourront trouver leur Voie et, éventuellement se frayer un chemin dans la vie. Quand on s’interroge sur la vie, ses origines ou son commencement, on bute sur la question de l’avant. Qu’est ce qui avait avant?
Wu Chi (sans trace,sans origine).
C’est le mystère initial. On essaye de comprendre, de saisir quelque chose en remontant au début mais, on a beau scruter l’horizon de notre entendement on ne distingue rien. Silence, vide, obscurité !
Tai Chi (l’Un, le Tout et le principe).
Mais il faut bien commencer alors, on parle d’un point ou d’un moment inaugural. La vision s’organise, l’entendement trouve un repère, un point d’appui. On peut commencer à comprendre. Tai Chi, le principe universel se donne comme point de départ et comme règle qui gouverne l’ensemble de la manifestation. En un sens plus particulier, l’individu est un Tai Chi, son corps organisé est un Tai Chi. Ce principe qui couvre tout l’édifice s’appréhende par l’harmonieux déséquilibre yin/yang.
Yin / Yang
C’est la coïncidence, la concurrence et l’intégration dynamique de deux polarités opposées et complémentaires. Au coeur de la globalité Tai Chi, les souffles Yang, plus subtils s’élèvent et vont former le Ciel alors que les souffles Yin, plus lourds se condensent pour former la Terre. Ainsi, au Ciel qui nous couvre, la puissance solaire, l’esprit et l’initiative créatrice, A la Terre qui nous porte, la gestation, la nutrition et la mise en forme des projets et des corps. Entre les deux pôles yin / yang s’inscrit toujours un écart, un vide essentiel qui permet leur relation continue. Sans distinction il n’y a que confusion et sans vide médian pas de relation.
Le vide et l’énergie, le Chi
Le Vide est le lieu de la vie, sans vide, pas de libre circulation. Le vide est la condition pour que les échanges et transformations Yin/Yang puissent opérer. De la matière palpable à la matière subtile, tout est Chi et c’est la dynamique yin/yang qui active le Chi. Nos sens n’appréhendent que les apparences mais le fil conducteur yin/yang nous aide à saisir le fonctionnement caché. Ce regard sur la vie et son fonctionnement peut paraître naïf mais il a le grand avantage d’être pratique et praticable. L’exercice du Tai Chi Chuan y prend ses références et la méthode d’entraînement implique la mise en oeuvre consciente du Tai Chi, c’est à dire du Yin/Yang c’est à dire du vide et du Qi.
Entrer dans la Voie du Tai Chi c’est remettre en jeu et en chantier la construction de soi et de ses rapports aux autres et au monde et c’est là le projet Jisei Do tel que formulé par Kenji Tokitsu et pratiqué dans nos cours.
Publié par Jean-Luc dans Réflexions personnelles
Mot(s) clé(s): chi, chuan, Dao, philosophie, Qi, tai, Wu, Yang, Yin
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