24
mars
2013

Le corps Tai Chi

Qu’est ce que le Tai Chi chuan, c’est quoi le Chi Gong ?

Souvent posée, la question se résout  par une invitation à la pratique. C’est que les formules consacrées – gymnastique douce, méditation en mouvement, culture de l’énergie – ne vibrent pas dans les corps et que les mots restent indigestes quand ils ne sont pas mis en chantier.

Le Chi Gong n’est soluble que dans l’expérience personnelle !

Cependant, je désire partager quelques repères sous le thème du « Corps Tai Chi ». Je parle du corps car c’est avec lui que l’on entre dans l’expérience de soi et je dis TaiChi pour rendre compte de la globalité de l’aventure. Le cerveau est dans le corps et la conscience vient avec le cerveau ainsi, l’esprit est dans le corps comme le corps est dans l’esprit. Prenons le temps de jalonner le parcours allant de la mécanique à l’énergétique et de l’énergétique à la philosophie.

D’abord La machine corporelle – l’homme debout.

Le corps mécanique s’articule autour du confort et de l’économie dans la stabilité et le mouvement. L’ajustement vertical offre le plus grand confort pour gérer la pesanteur qui ramène tout à la terre

Sous le contrôle du système nerveux , on y voit :

  • Une charpente osseuse – où tous les segments s’adaptent les uns aux autres par le biais de rouages et d’engrenages.
  • Un moteur musclé – des forces musculaires qui stabilisent et mobilisent globalement et localement.
  • Un tissu conjonctif – des tendons, des ligaments, des enveloppes et des fluides qui font de l’ensemble une mécanique intégrée.
  • Une dynamique pneumatique – spires et re-spire en continu gonflent et relâchent le mannequin.

La détente se dit par trois :  relâchement, étirement et tonification 

  1. Le relâchement des tensions superflues pour libérer les structures bridées.
  2. L’étirement par éloignement des extrémités pour maintenir souplesse et connectivité.
  3. La tonification pour reprendre confiance dans les appuis.

Ces trois là jouent autant dans le corps que dans le coeur et l’esprit.

Notre référence sera la posture TaiChi

On se pose sur le sol pour prendre appui et se redresser et d’autre part, on se tient, se maintient et s’anime entre aisance et puissance. La colonne vertébrale est un pilier mobile, un empilement de pièces articulées, interconnectées par des ligaments et des muscles. Les vertèbres ont chacune leurs spécificités fonctionnelles pour porter, supporter et faire tourner la machine. Debout, on s’abandonne à la pesanteur en lâchant les crispations de notre personnage quotidien et on s’oppose directement à la chute en éveillant un tropisme solaire qui nous étire comme  la plantule  poussant sa pointe vers la lumière. Cette double invite ajuste l’alignement, la détente et l’étirement. On s’abandonne à la terre pour augmenter la stabilité et le poids, on s’étend vers le soleil pour accroître vigilance et légèreté. Le train inférieur, des pieds au bassin condense l’appui et la force liés à la terre, le train supérieur de la main à l’omoplate et à la tête exprime l’acuité et la lucidité solaire et l’axe vertébral joue avec élasticité pour transmettre les informations statiques et dynamiques.

Le mouvement et le geste

Ici encore, la colonne vertébrale est au centre. elle est l’axe, le moyeu, le pivot et le premier moteur. L’intention naît du ventre, du coeur et de la tête alors que les jambes portent les mains là où elles sont efficaces. En pratique, ce sont différents niveaux de l’axe vertébral qui prendront l’initiative  pour orienter le mouvement et adresser le geste… Le prochain article reprendra le fil du mouvement à partir du corps organique.

3
décembre
2012

L’assise tranquille

Depuis la mi-septembre, la séance Tai Chi Chuan du jeudi 11h00 est précédée d’une demi-heure d’assise méditative. Je savais précieux le suspens de l’agitation habituelle mais je n’osais le proposer tant le mot « méditation » pesait lourd de ses connotations spirituelles, religieuses et ascétiques. Les stages de Danza Duende sont émaillés de courtes pratiques d’intériorisation et la simplicité de l’approche m’a convaincu. Aujourd’hui, un temps d’assise tranquille ouvre  la séance de Taichi.

Cela s’appelle  – Vivre en amitié avec soi-même!

Le thème initial est celui de l’oeuf.

La forme ovoïde permet d’inscrire le corps en posture assise. L’image est plastique, modulable à souhait, elle facilite des représentations qui autorisent diverses mises en oeuvre de soi. La coquille présente un dôme et un fond, tête et pelvis forment les 2 pôles. Elle est solide et poreuse; elle délimite et permet la communication. L’intériorisation dans sa coquille n’est pas un enfermement mais un préalable utile à la clarté du propos : reprendre l’aventure de la construction de soi.

En arrière, le dos et le dossier, nous sommes adossés à la colonne vertébrale, notre charpente osseuse, pilier de notre redressement.

En avant, la face, la poitrine et le ventre dessinent la panse, des contenants faisant écho à diverses modalités symboliques de notre présence:

En bas, le bassin, l’assise et le réservoir des possibles – les tripes et la force intime, le sexe et le vouloir-vivre.

Au milieu, la poitrine et le coffret thoracique, contenant de élans du coeur , de ses désirs et de ses freins

En haut, la tête et la boîte crânienne – lieu des représentations, de la conscience et de l’intelligence qui permet de changer les points de vue.

Tout est dans l’oeuf.

Le souffle est le fil conducteur, il porte la sensation qui chemine à travers le corps. Peu à faire et beaucoup à défaire, le sourire est là pour dénouer et lâcher ces tensions inutiles qui contiennent et empêchent l’expression d’une présence plus joyeuse.

Et tout commence avec TOI…

Au plaisir de vous rencontrer.

9
février
2011

La Chute

Rapide, économique et simple,  la chute ouvre un champ d’exploration Tai Chi.

Les terriens

Nous vivons sur terre « comme des poissons dans l’eau » sans penser à l’air que nous respirons, à la pression atmosphérique qui nous pèse sur la tête et à l’attraction terrestre qui nous attire vers le centre de la terre.

Nous tombons sans cesse et le sol arrête notre chute en nous donnant la sensation de poids.

Nous sommes des êtres de chute au sens premier du terme. La chute libre nous est naturelle et tenir debout est un acte de résistance obstinée. La fatigue et le vieillissement nous ramènent à la terre, nous tombons  jusqu’à la tombe. Humblement, l’humus nous attend pour nourrir de nouveaux élans.

La détente

Comme nous sommes forcément très attachés à la terre, le plus simple, le plus confortable et le plus sage est de l’accepter pleinement et de se détendre. Vivons heureux en regardant la vie, quand la mort sera,  nous ne serons plus.

Le fait de se sentir bien, d’être bien dans son corps implique la gravité qui participe directement à la conscience de soi. Nous sommes graves, pesants et lourds mais cela n’empêche pas d’être joyeux.

La détente, l’abandon des tensions superflues sera le conseil récurrent de la pratique Tai Chi. Pas de ramollissement amorphe mais au contraire, le maintien d’un projet, d’une forme tendue vers un devenir, une invitation au voyage allégé des bagages inutiles.

L’exercice de la détente est sans fin, toujours remis en chantier par la persistance de tensions résiduelles acquises et par l’apparition de tensions renouvellées par les projets et les craintes.

La chute libre est un thème utile pour une détente plus profonde impliquant le système musculaire et son contrôle cortical et partant, une disposition mentale accueillante à l’égard de la vie.

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25
janvier
2010

La posture dans le Tai Chi Chuan

La construction posturale est un temps fondamental de l’apprentissage et la pratique du TaiJiQuan. Chercher la posture juste est, avant tout, une pratique qui nous met en place et nous fait tenir debout. Pratique exigeante pour réunir chez un même individu alignement corporel et détente, force et douceur, redressement et relâchement, stabilité et disponibilité.

C’est un investissement précieux pour aborder le quotidien du corps, du geste et du mouvement. La persévérance et nécessaire mais la performance est souvent toxique. Plus on cherche dans le registre naturel, sans perdre l’exigeance des repères, plus on s’approche d’une validité tout terrain. Avec le temps, la conscience posturale devient un état d’esprit, une posture existentielle. Le corps est le lieu où j’habite et d’où je parle, garant de mon autonomie. On gagne en simplicité et en authenticité en veillant à ne pas se départir de la référence à l’expérience personnelle.

Dans la pratique des formes solo qui constituent la partie la plus populaire de la discipline, il me semble par contre erroné de s’attacher à des postures, comme si la chorégraphie était une suite de photos étiquetées « postures » : La grue blanche, le serpent qui rampe, les 7 étoiles,…pièges de la traduction et de la réception des premiers temps qui ont tendance à se figer et à être répétés à l’envi sans remise en question, le mot remplaçant le concept. Sans doute? On dit de la forme que gestes et mouvements coulent comme les eaux du fleuve, que les 8 « techniques » ne sont que transformations d’énergie qui, en effet est qualifiée par les incessantes mutations yin/yang. Dès lors, il n’y a pas  » d’arrêts sur image » et la chorégraphie vit de sa fluidité et de sa continuité. On n’arrête pas l’écoulement du fleuve, on y voit une puissance profonde canalisée. Elle s’accumule, fait des vagues et des tourbillons pour contourner ou  submerger l’obstacle mais elle ne s’arrête pas. Néanmoins, il n’y a pas deux fleuves pareils ni deux instants identiques dans le même flux. La vitalité du solo vient de l’interprétation de l’acteur, pas de la répétition scolaire de postures bien cadrées. L’esprit peut y lire des instants, capter des moments y sentir des poses mais il se régale de la puissance continue et contenue dans l’euphorie de geste bien conduit.

Dans l’exercice tui shou en duo (poussée des mains selon la piètre traduction en usage) où les mouvements et les variations sont constants, il importe que les fondements posturaux soient bien établis tant la circulation de l’énergie dépend de l’intégration posturale. Les repères formels qui font la posture – écart des pieds, avancée du genou, retrait de la hanche, ouverture des épaules, dégagement du port de tête,… – sont utiles pour éveiller la sensation de l’énergie et sa mobilisation mais, dans la joute plus libre, ils perdent souvent leur rigueur formelle. Ils se transforment mais ne perdent pas leur cohérence énergétique. Il n’est pas bon d’être « en mauvaise posture ».

La posture, on y revient incessamment pour améliorer l’efficacité sans effort, l’élégance du geste. C’est dans le QI Gong où l’on cultive la sensibilité à l’énergie et à sa mobilisation que l’exercice trouve son plein rendement. Dans l’apparente immobilité posturale où l’on  » tient la pose » se joue l’activation des tensions contrastées, des forces concurrentes qui aiguisent le senti et le ressenti. Là où l’on ne voit rien, où rien ne semble se passer, le courant passe, effectivement.

Se poser, se déposer, se transposer et, pourquoi pas se reposer, la posture bien comprise conjugue les effets de la pratique TaiJiQuan.

Jean-Luc Perot (Janvier 2010)

22
octobre
2009

Détente ou Harmonisation de la tension

Le premier temps de cette réflexion situait la détente en contraste avec la crispation et  la susceptibilité qui signent habituellement l’excès de stress non résolu. On dégageait quelques pistes pour prendre conscience de cet excès et le résoudre en douceur.

Passons maintenant à l’harmonisation des tensions càd à une répartition équilibrée de telle sorte que, de l’intention à l’action une vague d’énergie circule sans obstacle, sans stagnation ni retenue en évitant les excès et les manques. Ainsi la tension initiale se résoud dans le mouvement rendant le système à nouveau disponible pour une autre intention/action. Comme toujours, c’est dans le corps et par le corps que nous nous mettons en chantier.

Nous le redisons, l’ordinaire et l’extra-ordinaire impliquent l’activation musculaire, c’est à dire, un tonus de base, une mise en tension et son relâchement.

Tenir debout

Tenir debout impose une tonicité posturale qui résiste à l’attraction terrestre. Le corps a la solidité et la puissance pour gérer cette mise sous tension dans l’économie et le confort. Toute tension surajoutée ne dénote pas une plus grande force mais bien au contraire, un défaut de force.

L’aisance est le signe d’une force bien répartie dans le corps.

L’ensemble des os, des articulations, des tendons et de toutes les variations sur le thème du tissu conjonctif forment la structure qui fait tenir ensemble et se mouvoir.

Le mot – structure – nous parle de cohérence. La cohérence implique des connexions, des liens qui informent l’ensemble des composants qui font la forme. Derrière la forme que l’on voit, il y a donc tout un réseau de relations, mécaniques, organiques et énergétiques qui maintiennent la conformité de tous ces entrelacs tissulaires. Les défauts de cohérence ( d’alignement, de souplesse et de fermeté, d’élasticité et de conduction) créent des manques, des trous, des déséquilibres qui fragilisent l’étoffe dont nous sommes faits. Un manque se compense par un excès et un excès en un lieu signe le manque en un autre endroit.

Résultat, la force qui devait être prise en charge par l’ensemble , des pieds à la tête et aux mains concentre ses effets en des points qui souffrent ou cèdent parce qu’ils ne sont pas faits pour un tel labeur, pour une telle pression ou une telle tension.

La tension harmonieuse, au repos ou dans l’effort implique la conscience et la participation de l’ensemble.

Vu sous cet angle, la posture évoque les moyens nécessaires et suffisants pour faire tenir debout dans l’attitude choisie. Et c’est cela qu’il nous importe d’identifier.

La tension minimale repérée, nous pourrons jouer les variations sur le clavier énergétique sans perdre de vue l’essentiel.

Le jeu des Forces

Sur le canevas de la station debout bien posée, alignée et dégagée on jouera de mises en tension volontaires pour créer de courants et des effets de force.

Penser un geste instruit le corps. L’intention mobilise la sensation et l’émotion, un circuit moteur est allumé.

Le principe est simple. Tout commence à la terre et on construit à partir des fondations. L’application d’une force, poussée ou traction se lit à partir d’un point d’appui, dans une direction et un sens. elle agit en suivant une trajectoire qui s’oppose à une résistance. Debout, la verticalité absolue de la posture trouve un appui évident au sol, sous les pieds. Cet ancrage sera toujours présent mais, dans le plan horizontal, il sera relayé par des appuis secondaires réels ou imaginaires, la pensée créant la sensation.

Au premier regard, le dos et le bassin s’offrent spontanément puisque l’on est lesté par le fond dans l’assise et adossé à l’arrière. L’axe central interne, ligne imaginaire tendue «entre ciel et terre» se reflète dans l’axe vertébral et dans l’alignement de relais  identifiés comme charnières énergétiques (chacras).

Ces relais reprennent usuellement les plantes des pieds et les paumes des mains connectés à l’axe central où s’alignent 7 niveaux vibratoires ,de l’assise au fond du bassin jusqu’au sommet du crâne en passant par les lombes et l’ombilic, la taille et le diaphragme, le coffret thoracique et le coeur, la nuque et la gorge, l’occiput et le front.

Les pôles extrêmes de cet oeuf énergétique s’enrichiront de la sensation de corne, antenne vers le sublime  et de queue prenant un contact  plus tangible à la terre, le tout s’associant dans l’effet d’ensemble.

Mais le principe s’étend à tout le corps. Si la paume des mains est un appui évident pour se tirer ou se repousser, à l’usage, n’importe quelle partie du corps ou du décor peut servir d’appui.

Si la résistance fondamentale est le poids corporel, elle pourra également s’enrichir de résistances imaginaires, tensions élastiques, obstacle à déplacer ou milieu à forte viscosité.

Donc: 2 attitudes – passive pour recevoir paisiblement une surcharge et active pour répondre avec aisance, sans tensions superflues ni vides ou avachissement.

La détente est dans l’alignement postural et la répartition harmonieuse de la tension qui s’exprime et se résoud entre intention et action.

A suivre,… L’idée, propos et intention change le dynamique énergétique; la pensée s’inscrit dans le corps et l’entraînement à la dynamique posturale se fait philosophie pratique!
Jean-Luc

26
mars
2009

Être là, debout

Une question me revient régulièrement. Où est l’essentiel du TaiJiQuan en-deçà des mots et des gestes, des styles et des modes. Comment cela s’inscrit-il  dans la vie quotidienne et dans le partage.

Tout compte fait, la simple posture debout s’impose comme lieu, forme et moment fondamental de l’exercice; la détente en est l’axe principal.

Tenir debout  résume la présence individuelle, le rapport à soi, aux autres et au monde. L’idée n’est pas originale, le redressement caractérise le bipède humain. Le piéton par son pied, son poids et son pas marque son empreinte, sa posture et son allure.

La CHUTE

L’attraction terrestre ramène tout au sol. On tombe sans arrêt vers le centre de la terre et c’est l’alignement sur la verticale, la rectitude qui permet la plus grande économie de moyens et la plus grande autonomie.

Les forces qui nous mettent à terre sont prises en charge par des réactions toniques réflexes mais tous les déséquilibres posturaux ajoutent une dépense d’énergie pour compenser et intégrer un défaut d’alignement.Recherchant toujours un équilibre confortable, nous vivons cependant en instabilité permanente. Ce perpétuel réajustement soutient notre vigilance.

De toute évidence, nous devons lutter pour tenir debout, même à notre insu. Le Taijiquan  invite à ne pas se raidir dans la lutte mais plutôt à accepter consciemment et finement cette chute incessante pour en recycler les effets dans un grandissement. Paradoxe yin/yang, c’est en cultivant la chute que nous soutenons le redressement.

Comment activer ces forces avec douceur et efficacité? Par l’image

Le SABLIER

La chute du sable, grain par grain se fait par l’orifice inférieur et l’empilement du sable grain par grain se fait par le fond de sorte que la vidange nourrit l’entassement. Et voilà la dynamique contrastée Yin/Yang.

La forme du contenant conditionne l’empilement. On peux poursuivre l’expérience en retournant le sablier mais, dans la posture debout, c’est la pensée qui “retourne le sablier” et fait la continuité de l’expérience. L’écoulement du sable résonne avec la détente. Cela correspond grossièrement à l’abandon des tensions superflues dans la musculature périphérique mais, plus intimement c’est une sensation d’ouverture qui suit toutes les zones de resserrement articulaire comme les chevilles, les genoux, la hanche, les étages vertébraux et costaux, les mâchoires et l’articulé dentaire.

Une vision plus énergétique prend en compte toutes les zones de passages souvent soulignées par le vêtement, zones qui sont à dénouer, délacer  ou délier. Tour de tête, col et collier, bretelles, brassières et bracelets. Tour de taille, ceintures et gaines, chaussettes et lacets. La détente ouvre le passage et la matière peut s’écouler vers le fond. On suit le protocole – d’abord l’intention…, qui suscite l’énergie…, qui active le corps dans la forme et le geste.

Et, plus encore, le processus s’active en boucle, le système s’auto-entretient car forme et geste informent l’esprit qui suscite le Qi, qui…,

Il s’agit de maintenir constant et régulier le flux de l’écoulement, la pensée choisissant tantôt la chute à la terre tantôt la remontée par empilement des grains. Le processus favorise une plongée en soi car à la détente active répond une ouverture d’esprit favorable à une attitude plus détendue devant la vie.

La détente active propre au taijiquan se fait alors mode de vie. Une philosophie du bien-vivre qui, au repos ou dans l’action, dans le calme ou dans l’urgence choisit de ne pas se laisser submerger par les effets négatifs du stress en savourant consciemment la détente  .

28
février
2009

Culture de soi, Sculpture de soi, … mais encore.

Dans le champ étendu des valeurs liées au Tai Chi Chuan, on envisage volontiers la culture de l’énergie dans la perspective du développement personnel:

Ca commence  avec soi

La pratique invite en effet à un mouvement global de retour sur soi. On part du corps et c’est par le corps et dans le corps que débute le chantier. L’approche privilégie une attention intériorisée pour ressentir ce qui encombre et fait obstacle à un accord plus serein avec soi-même.

C’est un processus : La conscience posturale permet l’abandon progressif des tensions parasites et, en retour, la détente autorise un alignement et un redressement  qui dégage le port de tête et leste le bassin. Une posture redressée et détendue ouvre la sensibilité, elle donne confiance en soi et résonne tout de suite sur la manière dont on appréhende l’espace alentour. Bien posé, on devient la référence – l’espace s’organise, on s’oriente et découvre la libre circulation. la mobilité et la fluidité des gestes réveillent un rapport dansant à la vie.

L’individu s’affirme dans la douceur et la détermination.

Mais ça avance avec l’autre

C’est ici, quand l’individu s’émancipe et rencontre les autres que prend sens la culture de soi. L’aspect solipsiste de la démarche se dépasse dans la relation. L’autonomie est le prélude à la rencontre. Cette clarification  permet l’identification et la différenciation. Contrairement aux apparences, la forme solo pré-arrangée n’invite pas à la conformité, Pas à la normalisation mais à la distinction.Pour aller vers la vie, la société et le monde, la Taichichuan étend ses principes à la relation. La détente et la confiance posturale sont la condition pour se mettre à l’écoute de l’autre. S’ouvrir, accroître sa  capacité à accueillir pour savourer et partager ce qu’il y a de bon dans la relation mais aussi augmenter sa capacité à en éviter les aspects néfastes, nuisibles ou toxiques.

Comment concilier l’ouverture et le choix de recevoir ou de ne pas recevoir.

La couleur martiale du Taichichuan propose diverses attitudes :

  • La terre – Quand l’agression est supportable, on neutralise le toxique en se connectant à l’intrus et, comme une prise de terre, on conduit à la terre les influences néfastes qui s’y neutralisent.
  • L’eau et l’air – Plus avant, Il s’agira de ne pas donner d’appui à l’agression en n’offrant pas de résistance ou en l’attirant dans le vide pour qu’elle s’annule dans l’inefficacité ou la chute.
  • Le feu de l’esprit –  retourne à l’envoyeur ses propres énergies en en recyclant le flux. Plus l’agression est sévère, plus elle frappera l’agresseur.

Ainsi, la pratique intériorisée qui peut paraître nombrilique n’invite pas, à mon sens , à un retrait du monde. Il y a une mise à distance du monde, du mondain et de l’agitation mais nul retrait.

Mais encore avec la société

Prendre soin de soi, à l’intime et dans la relation à autrui constitue une précaution capitale pour entrer dans la danse. Savoir prendre, savoir recevoir mais encore donner. Si l’individu est le niveau initial et fondamental de la relation, il conserve la puissance de  la socialisation. Dans les turbulences chaotiques de l’existence, chacun porte la possibilité de se faire noyau autour duquel s’organise le vivre ensemble. Ni le repli dans sa bulle, ni l’investissement sans distance mais un choix en accord avec ce que l’on sait et aime faire.

La culture Taichi est autant dans l’ouverture aux sciences et technologies, aux arts et aux lettres que dans la pratique méditative. Abandonner les tensions inutiles c’est aussi s’alléger des croyances qui asservissent ou justifient, des pouvoirs hiérarchiques installés et de tout ce qui ce qui empêche la jouissance d’une présence active au monde que l’on désire.

Les Ateliers de la Main Franche suivent ce fil conducteur, discret et exigeant à travers toutes les pratiques proposées comme autant d’occasions d’activer cette philosophie “taichi”.

Jean-Luc

5
janvier
2009

Votre forme est-elle conforme?

De la forme et de la mise en forme en Tai Chi Chuan.

La forme

Qu’on l’appelle forme,  solo, kata ou Tao, la chorégraphie est dite condenser l’essentiel de la transmission du Tai Ji Quan. Quand on parle d’apprendre le Tai Ji Quan, on parle d’apprendre la forme mais en même temps, il est fait référence au Qi, c’est à dire à ce qui n’a pas de forme mais anime toutes les formes. Forme/sans forme nous voici au cœur de la contradiction yin/yang!

En français, la définition du mot forme propose quelques pistes intéressantes:

  • Apparence extérieure qui permet d’identifier. Ainsi, on pourra reconnaître notre style à la vue.
  • Moule , la forme est ce qui donne forme. Ce qui permet au pratiquant de prendre forme dans la pratique.
  • Réalisation concrète. C’est la mise en forme des principes du Tai Ji Quan.
  • Conformité à la norme. « En bonne et due forme »

La pratique incite à la mise en oeuvre des principes comme :

  • Valoriser la détente et non la force musclée
  • Le corps est unifié, il bouge comme un tout à partir du centre et de l’axe moteur,
  • La dynamique du mouvement s’appuie sur l’effet de tension produit par la distinction yin/yang.
  • L’esprit dirige, il mobilise le souffle qui porte le geste. L’intention se réalise dans le geste et celui-ci parle à l’esprit, il nourrit la pensée.
  • La forme naît dans les pieds, grandit dans les jambes, se condense et s’oriente dans le bassin, serpente dans l’axe vertébral et fleurit dans le geste.
  • Rechercher la stabilité dans le mouvement et la fluidité dans l’enchainement.

La forme, une fois mémorisée, devient l’expression concrète de ces principes.

La forme semble être le référent stable pour progresser dans cette culture. On se moule dans la forme, on y revient souvent, on la fait sienne et notre posture, nos gestes, notre souffle et nos mouvements sont le matériau même de cette expression formelle. La mutation alchimique fait que, en travaillant la forme c’est sur soi que l’on travaille. La nécessité de la contrainte formelle – apprentissage, mémorisation, intégration motrice, signification… ne doit pas nous cacher que ce modèle n’est pas une représentation de ce qu’on doit être ou connaitre mais un langage qui parle à l’esprit. La forme n’est pas exhaustive, on n’a pas fini avec le Tai Ji Quan quand on connaît la forme. L’expérience est gestative, elle nous fait naître à d’autres niveaux. La lenteur, l’immobilité ou l’équilibre ne sont pas des fins en soi, ils sont adaptatifs, ils permettent l’intégration et la disponibilité au mouvement de la vie, et pas seulement à la santé qui n’est qu’un préambule utile à l’enthousiasme. La forme véhicule une information et chaque séquence de la forme est une formule condensée des principes à mettre en oeuvre.

On peut dès lors:

  • Travailler la littéralité : Répéter la formule, la mémoriser dans son corps et laisser venir les sensations
  • Travailler le fond : Répéter la formule, la mémoriser dans un geste sur fond de sensations, d’émotions reconnues et d’activation intentionnelle.
  • Travailler le creusement : répéter la formule, la questionner dans le mouvement, la vérifier dans le moment, la développer dans ses variations et ses applications.

Cependant, la transmission formelle n’est pas un absolu, un trésor figé au-delà de toute interprétation. Au contraire, l’expérience est toujours inachevée, le pratiquant n’est jamais autant lui-même que lorsqu’il est en train de s’inventer. La forme est idée et technique, elle est un réservoir de possibles offert à ceux qui la fréquente. Trois vibrations remarquables s’unissent dans la pratique: Le corps, le souffle et l’esprit. Le corps est là, au départ, il est animé par le souffle et par l’esprit.

Seul

Le Qi Gong est l’art de pétrir pour mêler harmonieusement et intimement corps, souffle et esprit. Le TaiJiQuan prend le pari audacieux de développer la vitesse par la lenteur et la force par la douceur et la souplesse. Avec lenteur et douceur, l’affinage travaillera sur la disponibilité et la sensibilité. La disponibilité invite à lever les obstacles qui s’opposent à une libre expression. Raideurs, crispations, mollesse ou débilité. La sensibilité invite à l’éveil des sens, ouverture à la réception – accepter de sentir et de ressentir, et acuité de la perception – discrimination fine et acceptation de l’observation.

Deux formules nous invitent:

  1. L’individu est concerné dans son ensemble : Qu’on entre en mouvement ou en suspens, c’est avec tout le corps, toute sa sensibilité et son intelligence. On bouge à partir de l’intention et du noyau moteur et de l’axe  central. Toutes les parties (particules) du corps sont reliées entre elles et l’énergie (sensation et activation) se faufile et s’enfile sans perdre le fil. Le corps cellule par cellule sera parcouru par une onde qui part de la terre en s’expansant ( Peng) et fait retour à la terre pour se régénérer (Lu).
  2. L’air a la présence de l’eau. On sent la résistance opposée par le milieu, sa portance et l’inertie des corps déplacés. C’est comme si immergé jusqu’aux épaules, on poussait et tirait une énorme grume de bois flottant. Il faut d’abord vaincre la résistance de l’eau pour mettre le tronc en mouvement mais, une fois qu’il s’ébranle, il continue sur sa lancée et il faut très tôt mettre en jeu les forces opposées pour contrôler son inertie et ne pas le perdre. Ainsi, des suites musculaires complexes, agonistes et antagonistes sont activées dans une intrication d’étirements et de compressions sur le principe de l’élasticité et de la résilience. Un élastique étiré a tendance à revenir à sa longueur initiale de même qu’un ressort ou un ballon comprimé restitue la force emmagasinée.

D’autre part, le contact fluide de l’eau éveille la sensibilité tactile point de départ de la sensation énergétique. Ainsi travaillée, la forme concilié l’activation de l’esprit qui propose une image, une idée, une ambiance et suscite l’énergie et la sensation qui porteront le geste. Le corps répond en sensations, émotions et réactions, libérant des énergies inhibées par une tension toxique.

Corps, souffle et esprit sont réunis dans un coktail euphorisant, source de plaisirs partageables.

A deux

Une autre dimension essentielle de l’art est l’adéquation de l’action à la situation. La culture martiale affûte cette efficacité dans la rencontre de l’adversaire. Le Tai Ji Quan propose 2 niveaux:

  1. Le tui shou codifié et libre permet de vérifier les qualités développées en les mettant en jeu face au partenaire. Détente, souplesse, cohérence sont questionnées par la présence émouvante de l’autre dans une co-opération où les deux acteurs s’offrent leur justesse et leur vulnérabilité.
  2. Le san shou agit de même mais puissance et vitesse obligent à saisir le bon moment. Pieds et poings, frappes, poussées, clés et projections peuvent entrer en lice suivant l’option choisie par les pratiquants. L’urgence dévoile des émotions cachées qui sont autant d’entraves à la pleine jouissance de soi.

Les séquences formelles s’ouvrent sur un répertoire gestuel insoupçonné en variant les distances, les vitesses, les angles et les combinaisons nées du génie d’un corps/souffle/esprit libéré.

Conclusion

Voilà que la forme se fait laboratoire et mise en chantier. La forme est changeante, elle se déforme, se réforme et se conforme. Nous sommes complexes, poussés par des forces de croissance et pressés par la pesanteur, nous sommes contenus dans des enveloppes physiques; agis par des forces instinctuelles et contraints par des forces culturelles, tendus par des aspirations  et retenus par des croyances, nous sommes aussi emballés dans des enveloppes psychiques . Wu Wei, pas d’agitation, pas d’activisme mais rester branché à la force sans force, à la détente qui surpasse la crispation,  à la dynamique des transformations qui seules perdurent. La confiance dans les principes de douceur associant élasticité et plasticité, franchise et sensibilité permet de se lancer seul dans  une danse de l’énergie, une forme libre, naissant de l’esprit du moment. La bonne forme s’enracine dans l’informel. La posture ne sera pas une imposture, mais une forme  accordée à soi, avec justesse et goût, dans la simplicité des contraintes physiques mais, par la puissance de l’esprit, la codification de la transmission formelle pourra favoriser l’émergence d’une personnalité empreinte de responsabilité et de disposition inventive.

Faut-il préciser que ce regard qui peut être choquant pour l’esprit formaliste ou déroutant pour le débutant prend en compte le processus, le développement au fil du temps. La maturité vient dans la pratique où les différents âges de la vie offrent l’occasion d’apprendre et de savourer autrement.

Jean-Luc Perot